Mercredi
19 octobre
Belle surprise au réveil, un parc superbe sous le ciel
bleu !
A 8 h 30, avec Jean Pierre et Dominique, nous montons à
bord d'un bateau aménagé. Evelyne, la guide du
lodge, nous accompagne sur le canal des Pangalanes.
Un vrai bonheur ! Un peu d'air frais sous un soleil éclatant
et une longue rivière bordée de végétation
dense. Nous faisons halte chez un apiculteur, douze ruches dans
la nature et une case en bois et chaume à peu près
vide. La jeune femme découvre une ruche sans la moindre
protection, pour nous montrer les rayons de miel. Malgré
nos dénégations, elle continue, ça bourdonne
beaucoup trop, nous partons à pas mesurés, elle
s'est quand même fait piquer à l'oeil ! Nous la
remercions chacun d'un billet et posons avec elle pour quelques
photos parmi les bouquets d'orchidées sauvages qu'elle
veut nous offrir.
Village d'Amboanato :
Aux cris de "photos vazaha", nous descendons dans
un village de cases en bois et toits de chaume (600 habitants).
Vazaha, c'est l'étranger, on l'entend partout. Dans ce
village, les enfants sont plus propres, la proximité
du canal y est pour quelque chose. On les voit occupés
à laver sur la rive des bottes de joncs destinés
à être tressés en nattes et chapeaux. Les
filets de pêche ont récupéré pas
mal de petits poissons argentés. Des femmes lavent le
linge devant leur case, en le foulant aux pieds, d'autres tressent
des tapis ou des chapeaux. De grands arbres, jacquiers, arbres
à pain, ombragent le village propre, sans odeurs désagréables.
Les gens sont gentils, souriants, accueillants.
Aujourd'hui, pas d'école, le bâtiment est occupé
par le médecin qui vaccine les enfants du village.
Les classes sont meublées de pupitres en bois et d'un
grand tableau noir usé par le temps. L'école du
village (200 inscrits) est divisée en quatre niveaux,
avec 45 à 60 élèves par classe, dans les
minuscules salles que nous avons vues... Trois à quatre
enfants par pupitre, le reste s'assoit sur un banc ou par terre.
Nous n'avons pas ici la même impression de misère
qu'hier, le long de la voie ferrée, les enfants (six
par famille en moyenne) ne mendient pas, ne demandent rien sauf
une photo, ils nous accompagnent seulement à travers
tout le village.
Remontés dans le bateau, nous longeons des champs d'oreilles
d'éléphants, encore appelées bananiers
aquatiques, qui donnent un fruit qu'on fait cuire comme légume.
C'est une plante sauvage, non cultivée, mais qui aide
à nourrir la population.
Village d'Ampandimana :
Un forgeron fabrique des outils sur mesure, dans un abri de
toile; pour attiser le feu, un gamin de 5 ou 6 ans actionne
un soufflet à l'aide de deux bâtons.
Nous visitons l'école. Dans la classe, vingt élèves
sont présents sur les 48 inscrits. Tous portent des blouses
vertes. A notre arrivée, ils se lèvent spontanément
et chantent l'hymne national.
Nous traversons le village et découvrons cinq cornes
de zébus exposées sur un pieu. Ici la circoncision
se fait sur la tête d'un zébu, lors d'une grande
fête qui a lieu tous les sept ans. Les cornes de zébus
restent ensuite en exposition. Il y en cinq, donc 35 ans...
Ampandimana donne d'un côté sur le canal et de
l'autre sur l'Océan Indien que nous retrouvons, avec
ses longues vagues écumantes, ses couleurs, son sable
doré. Remontés en bateau, on nous dresse une table
de camping pour l'apéritif, tandis que défilent
les champs de manioc. La terre, sableuse, ne permet pas d'autres
cultures que celles du manioc ou de la patate douce.
Les jumeaux
A Mananjary, la naissance des jumeaux est tabou. La légende
raconte qu'il y a longtemps, chez les Antambaoka (ethnie
de l'est), lors d'une guerre, une femme qui avait mis
au monde des jumeaux était occupée à
allaiter l'un des deux, tout en se tenant bien cachée
de l'ennemi avec sa tribu. Le second jumeau affamé,
se mit à pleurer, révélant par ses
cris l'emplacement de la cachette. Tout le monde fut massacré.
Les jumeaux de ce jour furent maudits.
Autrefois, on les tuait, mais de nos jours, ils sont abandonnés
dans un orphelinat, soient les deux ensemble, soit l'un
des deux. |
A 13 heures, nous arrivons à Ambinaniefaka,
une ancienne embouchure du canal sur la mer, ouverture aujourd'hui
barrée par un cordon de sable. Nous abordons près
de l'océan et pique-niquons tous les cinq, sur le sable,
à l'ombre d'un buisson. Rires et bonne humeur !. Un groupe
de malgaches nous observe depuis un bosquet éloigné.
A la fin de notre repas, Evelyne les appelle. Ils cueillent
de grandes feuilles d'arbres, dans lesquelles elle leur distribue
le reste de nos salades et de pain. Sagement assis, ils mangent
ou en gardent une partie pour ramener à la famille.
Nous repartons sur le canal aux eaux vertes,
propres, sans le moindre déchet flottant à la
surface, ni échoué sur le rivage. De nombreuses
pirogues glissent sur le canal, se dirigeant vers Mananjary.
Le soir, confortablement installés dans des transats
donnant directement sur le parc planté de palmiers et
autres arbres à fleurs, un jus de fruit entre les mains,
nous papotons avec nos compagnons de croisière. Nous
partageons ensuite, le dîner en extérieur, en devisant
dans la douceur du soir.
Jeudi 20 octobre
Hary nous apprend qu'il s'est fait voler son téléphone
portable dans l'après-midi, tandis qu'il changeait les
plaquettes de frein de la voiture, au garage.
Nous partons — les deux 4x4 ensemble — pour visiter
la plantation d'épices de Mananjary.
Vanille et démonstration de pollinisation, clous de girofle,
cannelle dont on coupe la branche pour l'écorcer aussitôt
et la faire sécher trois jours au soleil, corossol, arbre
à pain dont on épluche le fruit pour le cuire
dans l'eau ou le griller en tranches sur un barbecue... Nous
goûtons tous le coeur de boeuf, sucré, très
bon. Senteurs diverses, balade parfumée, petit serpent
qui glisse dans les herbes, papayes, bambous-palmes, café
et ses fleurs, fruits de la passion et passiflores...
Après la visite, les deux 4x4 se dirigent
vers l'embouchure des Pangalanes, traversant les odeurs des
clous de girofles étalés sur de grandes toiles
sur le sol. C'est le retour de la pêche, les pirogues
rentrent chargées de poissons et de gambas (excellentes,
nous en avons mangé au dîner hier soir), franchissent
avec habileté les rouleaux qui barrent l'embouchure du
canal. Les pêcheurs alignent ensuite leurs pirogues sur
le sable doré et les déchargent avec femmes et
enfants, rincent et plient les longs filets. Nous parcourons
sur le sable, toute la longueur de l'embouchure côté
canal, puis côté océan, avant de retrouver
nos deux chauffeurs, Coco et Hary.
C'est là que nos routes se séparent. Dominique
et Jean Pierre partent vers Ranomafana et nous ce sera pour
demain. Nos parcours se suivent jusqu'à Tana, avec une
journée d'écart.
Nous déjeunons au Vahiny Lodge. Encore un excellent repas
de langoustes, espadon fumé, légumes croquants
et délicieux. Nous discutons un moment avec Philippe.
Il a embauché vingt-cinq personnes de Mananjary, après
les avoir formées ici-même. Au départ, ils
perçoivent un salaire de 130 000 ar (le smig est de 71
000) et par la suite, il les paye au mérite jusqu'à
650 000 ar ( c'est plus qu'un directeur d'agence bancaire).
Il finance la scolarité des enfants et assure les
soins de toute la famille. Les gens sont fiers de travailler
dans ce lodge.
Dans l'après-midi, Hary nous conduit à Mananjary.
Les rues sont bordées de nombreuses boutiques en bois,
un marché au centre du bourg et l'océan derrière
avec ses vagues qui montent à l'assaut de la plage,
inlassablement. Hary nous dégote une boutique d'épices
où je peux acheter des baies roses.
De retour au lodge, nous nous arrêtons près de
Philippe et Virginie, installés dehors avec un ordinateur
portable. L'accueil ici est remarquable. Tous deux ont toujours
un petit mot pour leurs hôtes quand ils croisent leur
chemin ou bien ils font le tour des tables, demandent si tout
va bien... Comme à Couleur Café, à Antsirabe.
On n'a pas l'impression d'être juste un numéro
de chambre, mais de véritables hôtes.
Notre dernier dîner est aussi succulent que les autres,
pinces de crabes en entrée, et crabe farci accompagné
d'un gratin de potiron sur rougail de tomates et comme dit
Philippe : "on contrevient à toutes les règles
en mettant du crabe en entrée, puis en plat principal,
mais on se fait plaisir !" Et pour finir, comme tous
les soirs, cadeau de la maison, un délicieux rhum arrangé
à choisir selon notre goût.
Nous allons quitter avec regret cet endroit idyllique, je
pense qu'il sera difficile de trouver mieux, voire aussi bien
ailleurs, tant par la beauté du cadre, que la qualité
des repas et de l'accueil.
Vendredi 21
octobre
Philippe et Virginie nous ont indiqué à notre
demande, un producteur où acheter de la vanille. Sur
d'immenses toiles, sèchent les clous de girofle. Des
femmes les passent sur de grands tamis pour enlever les débris
de feuilles et les trient pour éliminer ceux qui sont
cassés. Nous baignons dans l'odeur de girofle. Ailleurs,
des femmes conditionnent la vanille, gonflée, odorante,
par paquets d'environ 200 grammes. Nous repartons avec des
clous de girofle, de la cannelle et de la vanille.
Sur la route qui mène à Ranomafana, nous traversons
un long pont en fer datant de la colonisation et renforcé
en 2009 par l'Union Européenne. Postés de part
de d'autres, des malgaches attendent pour faire traverser
les marchandises. En effet, le pont n'est pas assez solide
pour les camions ou les gros bus en pleine charge. Il faut
donc tout décharger pour que les véhicules franchissent
le pont à vide, tandis que les porteurs passent à
pied avec les marchandises ou les valises sur le dos. De l'autre
côté, tout est remis en place.
Sur cette nationale (N 25), les villages se composent de cases
sur petits pilotis, afin d'empêcher les serpents d'entrer
et sont entièrement construites avec l'arbre du voyageur,
les feuilles pour le toit (elles peuvent tenir sept à
dix ans), le tronc débité en planches pour le
sol, parfois pour les murs, tandis que dans d'autres maisons,
ce sont les tiges qui servent à édifier les
murs parfois renforcés de quelques bambous.
Pour obtenir des planches à partir du tronc, il convient
d'enlever le coeur mou et de garder l'écorce, qu'on
redresse quand elle est encore fraîche afin de la transformer
en planches plates.
Nous prenons quelques photos, les gens sont souriants, ils
nous regardent d'un oeil bienveillant.
Nous faisons une halte à Irondro (à 60 km de
Mananjary), le temps d'acheter de l'eau et de photographier
la rue principale, les maisons et boutiques en arbres du voyageur.
Ici, nous quittons l'ethnie des Atambahoka et entrons dans
le pays des Tanala (hommes de la forêt).
Nous doublons un taxi-brousse dans lequel nous reconnaissons
les couple de jeunes Français qui étaient en
panne avant Ambalavao. Nous traversons des zones de bananiers.
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