Mercredi
12 octobre
Nous décollons à 11 h 20 sous un ciel clair qui
nous permet d'admirer le paysage, les Alpes, la côte méditerranéenne,
la Corse, Elbe, l'Italie, la Crète, le désert
égyptien avec ces grands cercles de cultures vertes,
comme dessinées sur le sol. Nous découvrons la
terre vue du ciel, comme dans le livre de Yann Arthus Bertrand.
Plus tard, c'est le Nil, le lac Nasser... La nuit est tombée
quand nous survolons Nairobi, le Serengeti, Amboseli, la Tanzanie,
Arusha et l'Océan Indien mais la carte sur l'écran
affiche ces endroits que nous avons déjà visités.
Après un vol de 8750 km, l'avion se pose à 22h15
heure locale (une heure de plus qu'à Paris).
L'arrivée, même après de nombreux voyages,
reste magique... Nous voilà catapultés en une
journée, sur un autre continent, dans un autre monde,
une autre vie, la nuit douce, les lumières de l'aéroport
et l'accueil de notre chauffeur pour de nouvelles découvertes...
Jeudi 13 octobre
Dès 5 h 30, au jour tout juste levé, les gens
trottinent déjà sur les trottoirs, qui un panier
sur la tête, qui tirant une charrette à bras le
long de la rue, qui lourdement chargés de colis sur le
dos.
Après le petit déjeuner, nous marchons quelques
centaines mètres, le long des trottoirs populeux, encombrés
de vendeurs de guitares, de radios, et autres appareils électro-acoustiques.
Nous avons rendez-vous à 10 heures dans le hall de l'hôtel
avec notre chauffeur Hary (son prénom complet est Johary)
qui d'habitude conduit un bus de touristes.
Nous quittons Antananarivo (ou Tananarive, ou Tana), ville surpeuplée,
embouteillée, où s'entasse un tiers des vingt
millions de malgaches dont la moitié sont des jeunes.
Les taxis, couleur crème, sont en majorité des
"4L", des "2 chevaux", ou des "R12".
On se retrouve des années en arrière avec ces
véhicules ! Les rues grouillent de vendeurs ambulants
qui marchent entre les voitures, de piétons qui se faufilent
entre les étals posés à même le sol
et de voitures vétustes pour beaucoup.
Dès la sortie des faubourgs, c'est déjà
la campagne, boeufs efflanqués dans les champs, rizières
aux tendres pousses vert vif et partout dans l'eau brune des
canaux d'irrigation, femmes lavant le linge et l'étendant
sur l'herbe des rives.
Un pays pauvre, mais riche
Madagascar est classé parmi les pays en voie de
développement les plus pauvres du monde et pourtant
nous dit Hary, nous avons des bois précieux, ébène,
palissandre, bois de rose, pierres précieuses,
or et pétrole, mais ce sont les gens au pouvoir
qui en profitent et s'entretuent pour accéder aux
hautes fonctions, pendant que le peuple reste pauvre. |
Nous photographions quelques maisons en latérite
dans un village au bord de la route, les gens nous saluent en
riant, agitent le bras. Une fois de plus, comme dans nombre
de pays pauvres, nous constatons la différence entre
la campagne où les gens sont affables et souriants et
la ville, où on est abordé de tous côtés,
où on se sent à la limite de la sécurité.
"N'emmenez rien avec vous, si vous vous promenez dans Tana,
a dit le guide venu nous chercher à l'aéroport,
hier soir."
Dans ce village rouge, les gens vivent à
l'étage de leur maison tandis que le rez-de-chaussée
abrite le bétail. Un convoi de charrettes pleines d'engrais,
chacune tirées par deux zébus, se dirige vers
une grande rizière inondée que des agriculteurs
préparent pour le repiquage.
Nous déjeunons à Ambatolampy. Plusieurs groupes
de Français sont attablés dans la salle. J'y retrouve
la dame de Oissel avec laquelle j'ai bavardé hier pendant
la longue attente des visas et des valises dans l'aéroport.
La nationale 7 qui mène à Antsirabe, traverse
des rizières étagées à perte de
vue, dommage que toutes ne soient pas encore vertes en ce moment.
Pendant la saison sèche, on y cultive des légumes
et au moment des pluies, du riz. Ouvriers armés d'outils
et zébus circulent sur le bas-côté. On voit
aussi beaucoup de fabriques de briques rouges, faites à
partir de l'argile extraite sur place. La campagne est très
animée.
Arrivés à Antsirabe, nous posons nos valises dans
la ravissante maison d'hôtes "Couleur Café"
avant d'aller faire un tour en pousse-pousse dans la ville animée
de centaines d'échoppes, de ruelles fleuries de superbes
jacarandas et parcourues par des armées de pousse-pousse,
dont la plupart des conducteurs courent nu-pieds.
Promenade dans le marché couvert, visite
d'une fabrique d'objets en cornes de zébus et d'un atelier
de récupération de boîtes de conserve, fil
de pêche, fils électriques, bouts de caoutchouc...
dans le but de créer des miniatures de pousse-pousse,
vélos, petites voitures, rien qu'en matériaux
recyclés. Intéressant !
La soirée se révèle très agréable
dans cet hôtel de charme ! A 19 heures, on nous offre
un punch-maison autour du feu de cheminée (nous sommes
à 1300 m d'altitude, la température baisse le
soir). Assis à neuf, en demi-rond, nous devisons tranquillement,
parlant voyage naturellement. Deux autres couples ne se sont
pas jointes à notre petit groupe et ont commencé
à dîner.
Après cet apéritif, assorti de petits canapés,
nous dînons en compagnie d'un couple de bretons, Alain
et Françoise et évoquons nos différents
voyages dans le monde. A la fin du repas, un gâteau d'anniversaire
de mariage offert par la maison, apparaît sur une table
voisine. Toute la salle aura droit à une petite part
de ce dessert. L'accueil est chaleureux ici et le décor
superbe. La patronne malgache a vécu en France avec un
Breton et ils sont revenus au pays pour ouvrir cette délicieuse
maison d'hôtes où la cuisine est savoureuse et
la convivialité de mise.
Vendredi 14
octobre
Après les averses de la nuit, nous quittons Antsirabe,
sous un beau ciel bleu, ses rues populeuses, ses pousse-pousse
qui courent dans tous les sens, ses gens affairés, paniers
sur la tête, vélos surchargés, charrettes
à bras ou à zébus pleines de ballots...
La nationale 7 s'enfonce à travers des rizières
qui par ici sont bien vertes, alors qu'en altitude, les hommes
en sont encore à retourner la terre à l'aide de
pelles à longs manches, terre qui sera ensuite émiettée
par le piétinement des zébus, dans l'attente des
pluies qui d'ici à trois semaines les inonderont et permettront
la mise en place des plants. Par contre, dans cette vallée,
le riz est en cours de repiquage ou déjà bien
vert. La douceur du climat et la proximité du fleuve
permettent cette précocité, autorisant deux récoltes
par an.
Dès que nous descendons de voiture au
bord des rizières, les enfants nous entourent, très
vite nombreux. Ils ne mendient pas, ils nous regardent avec
de grands sourires, se prêtent aux photos avec bonne humeur.
Certains âgés de 8 à 10 ans portent dans
le dos des bébés (deux mois celui-ci, six mois
ces deux jumelles), tandis que s'accrochent à eux des
ribambelles de mioches, deux ans, trois ans... Et tout ce petit
monde galope, inconscient au bord de la route.
Dans la campagne laborieuse, des femmes repiquent le riz, des
hommes battent l'orge à la main (pour la bière),
des zébus tirent de rares charrues... Ailleurs, on lave
le linge à la rivière, on transporte des briques,
on étale dans la cour une jolie paille blonde pour nourrir
le bétail.
Ce paysage de rizières vertes, sans cesse renouvelé,
absolument magnifique, fait de Madagascar un mélange
d'Asie et d'Afrique assez étonnant.
Midi : Ambositra... Nous retrouvons les pousse-pousse, les rues
embouteillées, les échoppes et les boutiques en
rez-de-chaussée ouvrant sur des trottoirs encombrés.
Un artisan travaille le bois avec minutie, découpant
de petites formes qui lui servent de gabarit pour les encastrer
dans de plus grandes. Pour ce faire, il utilise des bois de
couleurs différentes et le résultat fait de l'effet.
Il nous fait une démonstration et nous explique que sa
scie à main se compose d'un ressort, d'un grand levier
et d'une tige métallique récupérée
dans de vieilles carcasses radiales de pneus.
Dans les divers ateliers que nous avons visités,
la récupération est reine. Hier, l'homme qui découpait
les corne de zébus avait construit sa scie électrique
à partir d'un moteur de machine à laver et fabriqué
la lame dans un couvercle de boîte de conserve autour
duquel il avait découpé les dents une à
une.
Au village d'Ambalamanakana, les gens sont
vêtus de costumes très colorés, les femmes
portent des jupes et des châles aux couleurs gaies, certains
hommes sont drapés dans de grandes capes. Dans la province
de Fianarantsoa, les hommes âgés doivent porter
un chapeau, une étoffe sur le dos et un parapluie.
Dans cette région (on est encore sur les hauts plateaux),
les maisons aux toits de chaume sont construites en latérite
recouvertes d'une boue jaune, qui résiste mieux à
la pluie. En effet, la latérite seule s'effrite facilement,
à moins de la mélanger à de la bouse de
zébus.
Madagascar, l'île rouge... Des étendues de terre
rouge brique alternent avec le vert des cultures, les maisons
comme sorties de cette terre, s'intègrent, rouges, au
paysage et ici ou là, les brûlis réduisant
les arbres à néant, accroissent encore la surface
de terre rouge. Et puis des rizières et des rizières,
si vertes, si vertes. Que c'est beau !
A l'approche de Fiana, de véritables
de convois de charrettes à bras défilent sur le
bord de la route. Parfois l'une d'elle portant une grappe d'enfants
file dans la descente. Nous croisons de grands troupeaux de
zébus — achetés à Ambalavao —
qui remontent vers Tana.
Après une splendide descente depuis le col (1500 m) à
travers rizières et vignes, nous arrivons à l'hôtel
et ressortons à pied pour découvrir Ambalavao,
une bourgade rouge, dont la rue principale en poussière
rouge, abrite de multiples vendeurs de beignets et fritures
diverses. Ceux-ci dressent leurs éventaires devant les
maisons de style Betsileo, décorées de balconnets
en bois et peintes en tons pastels.
Nous y rencontrons beaucoup d'enfants, toujours souriants, qui
demandent à être photographiés et éclatent
de rire quand je leur montre leur bouille sur l'écran.
Nombre de passants nous saluent en français, un gamin
passe avec un camion de sa confection, fabriqué à
partir de canettes de coca et bringuebalant sur des roues de
fortune.
Le jour baisse dans l'atmosphère tranquille mais pleine
de vie de cette bourgade et nous rentrons à l'hôtel.
Ecole et nourriture
L'école est obligatoire et gratuite mais il faut
quand même verser des droits d'inscription. A 12
ou 13 ans, les enfants quittent l'école pour travailler.
Les parents ne touchent pas d'allocations familiales.
Alors que les écoles privées dispensent
un enseignement d'expression française, les écoles
publiques ne peuvent plus délivrer que quelques
heures de français. Ainsi, va se perdre au fil
du temps le bilinguisme de Madagascar. Car actuellement,
si tout le monde ne sait pas nous répondre, tous
comprennent notre langue.
A la campagne, les gens peuvent avoir une douzaine d'enfants.
Pour se nourrir, ils font pousser du riz et des légumes.
Les parcelles sont très petites, les familles en
possèdent une ou deux, pas davantage. Ils vendent
une partie de leur riz et mangent le reste (trois fois
par jour ils se nourrissent de riz).
Mais pour l'école et les vêtements, ils n'ont
pas d'argent. De plus, l'école est parfois à
une dizaine de kilomètres de leur maison, donc
beaucoup n'y vont pas. |
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