Mercredi 15
Nous avons passé la matinée à étudier
le Routard tout en suivant l'ombre des arbres, pour trouver
un semblant de fraîcheur. J'aime le soleil, mais à
l'ombre ! Nous avons retrouvé notre radio polonaise "Vox
fm" avec la musique que j'aime. En changeant de région,
nous l'avions perdue, mais en faisant défiler toutes
les stations et en nous arrêtant le temps d'une chanson
ou deux sur chacune, nous avons fini par la reconnaître.
En début d'après-midi, nous nous rendons à
pied à l'arrêt des tramways pour rejoindre le centre
de Cracovie par la ligne N° 8. Il fait une chaleur ! Nous
fondons littéralement !
Nous commençons par grimper sur la colline de Wawel où
se dresse le château, au-dessus de la Vistule et de la
vieille ville (Stare Miasto), avec au milieu de l'enceinte une
vaste place. Un escalier fleuri d'où s'échappe
le son d'un piano de Chopin, mène à la cathédrale,
imposante avec ses bulbes verts et or et ses tours en briques
rouges. Nous étions prévenus d'une affluence record
en été ! Heureuse surprise, il y a bien moins
de monde que dans les Tatras, quelques visiteurs ici ou là,
mais la place semble presque vide. Peut-être parce qu'il
est 15 heures et que les gens s'y précipitent le matin
pour avoir des tickets. En redescendant de la colline, nous
prenons le chemin qui fait le tour complet de la ville et qu'on
appelle le Parc Planty. C'est un espace de verdure, ceinture
d'arbres et d'ombre, d'où l'on peut avoir un bel aperçu
des monuments de la cité. Régulièrement,
de jolies calèches passent devant nous, attelées
de fins chevaux.
Nous nous arrêtons devant les édifices
de cette ceinture verte : Palais Dlugosz, Eglise de la Transfiguration,
porte Florian face à la Barbacane où se donnent
des concerts et divers spectacles, théâtre Narodowy
qui ressemble à l'opéra de Paris. Une exposition
présente sur des panneaux alignés, les cent quatre
voyages à travers le monde du pape Jean Paul II. Très
agréable promenade ombragée, avec peu de monde.
De nombreux bancs en bois jalonnent le parcours et permettent
de petites pauses; avec la chaleur ambiante, ce n'est pas du
luxe.
Nous entrons dans la vieille ville en fin d'après-midi
et gagnons la place du marché (Rynek Glowny) entourée
de maisons baroques aux jolies couleurs, une grande place pavée,
peuplée de pigeons comme la place St Marc à Venise,
autour de laquelle s'étalent terrasses de café
et parasols... C'est aussi le point de départ des calèches,
blanches, rouges, noires, attelées de chevaux harnachés
de longs plumeaux sur la tête ou décorés
de pompons rouges et d'écussons en métal. L'ensemble
donne un cachet historique à la place et accroît
le charme de l'endroit avec ses maisons pittoresques, ses marchands
de fleurs et ses vols de pigeons. On a envie d'y flâner,
de s'asseoir sur les bancs de granit poli qui ont absorbé
la chaleur du soleil, de se laisser bercer par la musique qui
s'élève d'on ne sait où.
Vers 19 heures, nous décidons de dîner dans un
des restaurants du Rynek, pour profiter de l'animation du soir,
tout en étant tranquillement installés à
une terrasse avec un assortiment de spécialités
du pays et une grande bière fraîche.
Devant nous défilent les chevaux dont le pas sonne sur
les pavés, musique lointaine qui nous fait dresser la
tête, annonce d'un spectacle plaisant, claquement de sabots
qui grandit, puis décroît quand l'attelage s'éloigne.
Retour au camping vers 22 heures. Le tramway est une fournaise.
Dans la caravane, il fait 31°. Nous ouvrons tout en grand,
sans oublier de descendre les moustiquaires des fenêtres,
il y a des insectes le soir ici... Le tonnerre gronde.
Jeudi 16
Cet après-midi, nous parcourons Kazimierz, le quartier
juif. Ulica (rue) Josefa, la synagogue baroque Izaaka construite
en 1638, la synagogue Kupa, le marché des bouchers casher
avec en arrière-plan les maisons en vieilles briques
d'époque.
A côté, dans le centre culturel juif, une douzaine
de musiciens, équipés d'instruments à vent,
répètent un morceau classique, certainement pour
un concert en soirée.
Ulica Estery, un cafetier imaginatif a recyclé d'anciennes
machines à coudre sur pied pour en faire des tables de
bar ! Sur une petite place, se dresse imposante et massive,
la haute synagogue Wysoka, appelée ainsi car sa salle
de prières était située au premier étage
par mesure de sécurité.
Toutes ces ruelles appartiennent au quartier Kazimierz où
étaient rassemblés tous les juifs avant que les
Allemands ne les emmènent en mars 41 à Podgorze,
le ghetto de Cracovie, pour être ensuite transférés
à Auschwitz en 43. Nous débouchons sur la place
Szeroka, surveillée au nord par le palais Jordanow, belle
demeure en briques foncées. Près de cet édifice,
se trouve un vieux cimetière qui n'est plus utilisé
depuis 1800, parce que trop proche des habitations. Juste en
face, un autre cafetier a construit sa rambarde en cadres de
vélos anciens, là encore, c'est une idée
peu ordinaire. Sur cette place, se trouvent plusieurs synagogues,
dont la Stara Synagoga, la plus grande du quartier et le plus
vieil édifice de Pologne. L'endroit est calme, nous nous
reposons un moment sur un banc en bois, à l'ombre.
Ensuite, nous traversons la Vistule, pour atteindre Podgorze,
quartier où fut tournée la liste de Schlinder.
Sur la place Bohaterov Getta, on a dressé des sièges
qui symbolisent les chaises qu'emmenèrent avec eux, les
juifs lors de la déportation du quartier Kazimierz.
Au fond, se tient la pharmacie "Pod Ortem",
devenu musée de photos de la vie du ghetto. Le pharmacien,
Tadeusz Pankiewicz, qui n'était pas juif avait été
autorisé à séjourner dans le ghetto par
les Allemands qui voyaient là un moyen d'éviter
les épidémies. Celui-ci pendant deux ans et demi,
au péril de sa vie, aida les juifs, allant jusqu'à
teindre les cheveux des plus vieux pour leur éviter la
déportation. Il a écrit un livre "la pharmacie
du ghetto de Cracovie" d'après les notes qu'il avait
prises à l'époque.
De l'autre côté du boulevard,
à une certaine distance, se trouve l'usine où
a été tourné le film "la liste de
Schindler". Après une longue marche, nous regagnons
le centre en tramway et nous installons à la même
terrasse qu'hier pour nous rafraîchir d'une coupe de glace
et d'une bière grand format. Après quoi, nous
achetons des livres sur la Pologne et Cracovie, et rentrons
à la caravane ! 31 ° à l'intérieur
!!
Vendredi 17
Nous passons encore l'après-midi à Cracovie, à
flâner dans toute la ville, nous arrêtant ici ou
là; musée de la gestapo (Ulica Pomorska), quelques
photos et objets datant de l'époque où la gestapo
torturait les juifs dans cette maison qui était leur
fief; basilique Notre Dame de Sainte Marie, superbe tryptique
représentant la vierge entourée des douze apôtres,
retable qui éclaire le chœur de l'église
de sa lumière dorée. Certaines sculptures de ce
tableau réalisées dans du bois de tilleul, mesurent
jusqu'à trois mètres de hauteur.
Nous nous promenons ensuite dans la rue Kanonicza, une des plus
belles du vieux Cracovie, dans laquelle nous découvrons
une librairie-salon de thé, un peu vieillotte, entre
autres maisons décorées, sculptures et palais.
Puis nous remontons la rue Grodzka, belles demeures, églises...
dont l'église Pierre et Paul entourée des statues
des apôtres. Plus bas, c'est la rue Szpitalna, aux maisons
aristocratiques, tout comme celles de la rue Florianska où
se tient le café Jama Michalika dans lequel se déroulaient
entre les deux guerres, les soirées de l'élite
intellectuelle. Mobilier et décor sont restés
intacts. Drôle d'atmosphère vieillotte ! Nous rejoignons
ensuite par les rues de traverse, la place du marché,
avec ses 200 mètres de côté, son beffroi,
sa halle aux draps entourée d'arcades, la basilique Notre
Dame de Sainte Marie, les calèches somptueuses et notre
restaurant préféré où nous dînons
avant de rentrer en tramway.
Samedi 18
Nous partons ce matin, pour Jalna Hora, lieu de pèlerinage
aussi connu pour les Polonais que Lourdes en France ou Fatima
au Portugal, qui se situe à Czestochowa, à 130
km de Cracovie.
A notre arrivée, la messe se déroule
en plein air. Sur une vaste pelouse, une foule de gens assis
sur des chaises et s'abritant du soleil sous de grands parapluies,
assistent à l'office. Les chants, entonnés par
le prêtre et repris par la foule en chœur, donnent
de la grandeur au site.
D'autres messes sont célébrées
à l'intérieur de la basilique et des chapelles.
Grande ferveur... Des gens assis, debout, à genoux, prient
un peu partout. Au fond de la chapelle, la vierge noire, fort
belle icône, source de miracles légendaires, apportée
par le duc d'Opole au 14ème siècle, surveille
la messe. Elle n'est dévoilée qu'à certaines
heures et nous avons la chance d'être là au bon
moment. Cette promenade sur fond musical mystique est finalement
très agréable. C'était une bonne chose
que d'arriver à l'heure de la messe. A un autre moment,
la visite aurait sans doute été plus banale. La
musique adaptée au lieu, lui confère forcément
un peu plus de magie, quelle que soit la religion.
En regardant la foule assise sous ses parapluies, alors qu'un
chant meure doucement dans l'air, je les imagine soudain se
lever tous et se mettre à danser le rock... Quelle chouette
comédie musicale ferait !
Nous déjeunons sur un banc de pierre à l'ombre
fraîche de grands arbres et prenons pour le retour la
route des nids d'aigle, un parcours au travers de profondes
forêts sombres et qui croise parfois une petite rivière.
Premier arrêt à Zarki, pour acheter deux bouteilles
d'eau froide d'abord, ensuite pour voir le cimetière
juif, vieux cimetière abandonné en plein champ,
qui malgré sa vétusté et sa désolation,
compte de nombreuses tombes en pierre aux symboles sculptés
encore visibles.
Dans la région de Cracovie, les maisons sont très
différentes de celles des Tatras. Ici, ce sont de gros
cubes à un ou deux étages avec des toitures à
deux ou quatre pans tout simples. Les murs sont constitués
de briques rouges nues ou parfois recouvertes d'enduit blanc.
Peu de baies agrémentent ces façades tristounettes.
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