Samedi 11
Trois ou quatre petites tentes se sont montées dans le
mini-camping et quatre camping-cars sont arrivés. Danois,
Estoniens, Autrichiens, Polonais Néerlandais et Français
se côtoient. Très cosmopolite ! Le patron du camping
se promène jovial avec sa salopette verte de jardinier,
au milieu de tout ce petit monde, saluant ici, bavardant là !
Dès ce matin, nous nous rendons au lac Morskie. Nous
préférons profiter d'un ciel clément. Pour
l'instant, il est bleu parsemé de cumulus, mais nous
ne savons pas comment ça va évoluer dans la journée.
Jusqu'à présent les matinées ont été
plus ensoleillées que les après-midis.
La circulation est dense dans la région de Zakopane (très
touristique). A l'approche de Lysa Polana, nous apercevons des
plaques de neige sur la montagne. Le lac est à 1400 m
mais le point de départ de la balade se situe à
970 m. Pour atteindre le parking, il faut patienter dans une
queue interminable. Chaque site regorge de visiteurs, une manne
pour la région qui fait payer l'accès au parking,
puis aux chemins de promenade.
Pour passer la caisse de l'entrée, il faut encore attendre
son tour. Toute la Pologne s'est donnée rendez-vous dans
les Tatras. On ne risque pas d'être seuls sur les chemins.
Nous choisissons de faire la première partie du parcours
en carriole attelée de deux chevaux. Grand bien nous
fasse, quarante zlotis par personne pour l'aller seulement (soit
environ 10 euros). La charrette transportant une quinzaine de
personnes, voilà un bon gagne-pain... surtout que la
vie est bon marché en Pologne, hormis dans les sites
touristiques.
Tout au long de la montée, les chevaux, fumant et écumant,
dégoulinent de sueur, malgré l'air frisquet de
l'altitude. Remplir un peu moins les carrioles équivaudrait
à gagner moins, mais serait plus charitable pour les
chevaux qui à mon avis, enlèvent une charge d'au
moins une tonne et demie. Au retour, nous reviendrons à
pied !
A midi, nous descendons de la carriole et
commençons à marcher. Un torrent court au bord
de la route. Les plaques de neige ne sont pas loin. Quarante
minutes plus tard, le lac se découvre, sombre dans un
écrin de verdure, mais hélas un peu trop surpeuplé.
On aurait rêvé de la musique du silence dans cet
endroit superbe. Cascades et plaques de neige convergent vers
les eaux claires qui laissent deviner le fond pavé de
larges pierres.
Nous allons en faire le tour par les berges empierrées,
loin de la foule qui s'est agglutinée sur la plage. De
l'autre côté du lac, la magie du lieu opère.
On entend de nouveau les oiseaux, le murmure des cascades, le
frémissement des feuilles. Après avoir traversé
plusieurs torrents, en passant sur des rochers partiellement
immergés, nous posons le sac à 13 h 45 pour pique-niquer,
les pieds au ras de l'eau. Il ne fait vraiment pas chaud, nous
ne traînons pas, la neige n'est pas loin sur la pente
et le ciel s'est couvert de gris. Encore une demi-heure, nous
regagnons la plage du lac, noire de monde et entamons la descente
vers le parking, huit kilomètres plus bas. Il est 16
h 40 quand nous récupérons la voiture. Sur les
derniers mètres, nos pieds sont lourd à soulever,
nous avons quand même marché pendant 4 h 30 en
montagne et parcouru pas moins de douze kilomètres.
De retour à la caravane, je m'installe confortablement
dans un coin avec de la musique, et personne ne m'en fera bouger
avant qu'il ne soit l'heure de préparer le dîner !
Dimanche 12
Ce matin, après la longue marche d'hier, nous lézardons
au soleil qui nous chauffe doucement... Je flâne de Marc
Lévy à James Patterson, je musarde de Borodine
à Rory Galager. On est bien dans ce petit camping tout
calme, avec le ciel bleu au-dessus et l'eau chantante par derrière.
Vers 14 heures, nous nous rendons à Zakopane pour prendre
le funiculaire qui nous emmène à 1120 m, à
l'aplomb de la ville. Encore un lieu touristique, boutiques
de souvenirs à profusion à l'arrivée, calèches
attelées, attractions multiples... Nous nous écartons
de la foule, par un petit chemin désert, qui s'enfonce
sous les arbres et découvre un joli panorama naturel.
Dommage, c'est une impasse ! Il faut donc retraverser la foule,
les boutiques, la luge artificielle, le mur d'escalade, les
structures gonflables, l'acrobranche, les élastiques
(et j'en passe) pour atteindre un chemin hyper-fréquenté
- et ça jacasse, et ça jacasse - qui permette
d'apercevoir le paysage. Un comble d'avoir pris le funiculaire
pour échapper à la ville et d'à peine entrevoir
la montagne. Assis sur une pierre face à la vallée
découverte au-delà des murs de boutiques, je regarde
passer le troupeau de gens qui avancent à la queue leu
leu, aveugles et sourds, vers je ne sais quel demi-tour qui
les ramènera au milieu du bruit et de l'animation. Nous
avons perdu l'habitude de ces plaisirs artificiels, nous aimons
l'authentique. En Haute
Provence, en mai, nous étions seuls dans les ruelles
des villages perchés. Dans nos voyages
lointains, quand nous nous baladons en ville, nous nous mêlons
surtout à la population locale qui, même dense,
fait partie intégrante du décor. Ces montagnes
Tatras sont très belles, mais on y attendrait la solitude
et l'affluence gâche un peu le plaisir.
En redescendant à Zakopane, nous faisons un tour au marché
artisanal et une vendeuse me fait goûter le fromage de
chèvre local dont la croûte est décorée
de feuillages et qui ressemble à une viennoiserie...
goût de chèvre et de fumé à la fois...
Ensuite, nous entrons dans le cimetière qui jouxte une
église en bois. Il paraît que des célébrités
y "demeurent". Nous ne les connaissons pas, mais nous
remarquons de nombreuses tombes taillées dans des troncs
d'arbre, parfois sculptés, parfois creusés d'une
niche contenant une statuette. L'endroit n'est pas triste du
coup, et appelle à la promenade paisible.
En fin d'après-midi, nous retrouvons notre calme camping
et bouquinons au soleil jusqu'à ce qu'il disparaisse
derrière les grands arbres qui bordent la rivière.
Lundi 13
Le temps est doux, soleil, quelques cumulus et un léger
vent. Je vais laver quelques bricoles avant de m'installer dehors
pour lire un peu. Cet après-midi, nous avons prévu
de nous rendre à Sromowce Wyzne à une cinquantaine
de kilomètres d'ici pour descendre la rivière
Dunajec en radeau.
La route assez fréquentée suit une large vallée.
De part et d'autre, la montagne vallonnée égaye
le paysage. C'est le temps du fauchage, où les paysans
ramassent le foin à la fourche, meules fraîches,
odeurs d'herbe chaude, cigognes perchées dans leur nid
à la cime d'un poteau... Paysage bucolique et bientôt
sur notre droite, se dessine le lac Czorsztynskie.
L'embarcadère n'est pas facile à trouver, mais
nous voilà quand même embarqués dans un
radeau à fond plat muni de quelques bancs rudimentaires
et composé de cinq caissons distincts assemblés
par des traverses. Douze personnes peuvent y embarquer.
Nous descendons les eaux frémissantes
du Dunajec. Ce n'est pas franchement le Colorado, mais c'est
très agréable. A l'arrière et à
l'avant, deux bateliers munis de grandes perches, dirigent l'engin
et nous franchissons allègrement de petits rapides que
séparent de longues étendues d'eau calme. Des
pêcheurs en cuissarde taquinent le poisson, les berges
défilent, vertes et calmes... Les montagnes naissent
et disparaissent au détour des méandres. Des rapides
plus vifs que les autres nous éclaboussent gaiement.
Le radeau accélère, c'est frais et plaisant de
filer ainsi. De temps à autre, les bateliers doivent
s'activer car nous rasons des rochers à fleur d'eau,
et là ça brise plus fort et le courant s'accroît.
Sur la rive gauche, c'est la Pologne, sur la rive droite la
Slovaquie, et nous sommes juste au milieu. Le torrent se resserre,
se glisse entre de hautes falaises étroites, un banc
de roches au milieu, un tourbillon qui mouille et soudain c'est
le calme de l'eau verte où se mirent les rives avant
une nouvelle barre de remous bien vifs. Certains nous entraînent
à bonne allure dans l'air tiède et le bruit des
brisants et la vitesse nous grisent l'espace d'un instant. Non,
ce n'est pas le Colorado mais c'est très agréable
quand même et c'est beau. Drôle de sensation que
de voir défiler les rochers au ras de la coque, et ce
goulet qui se resserre en bouillonnant, on s'y croirait !! Et
juste derrière, le calme du courant qui nous entraîne
dans un doux clapotis... Ca sent bon, les arbres, le bois, l'eau
fraîche. Nous abordons vers 17 h 30 après 2 h 15
et 18 km sur la rivière et retournons à Zakopane
par des petites routes buissonnières. Nous dînons
en ville, dans un gril en plein air où on peut choisir
ce qu'on veut et s'installer ensuite sur une des nombreuses
tables en bois dressées sur la placette. Et avec ça,
une bonne bière des Tatras !
Mardi 14
Grand beau pour l'excursion projetée en ce jour de fête
nationale française. Nous quittons le camping, tôt
ce matin pour monter par un téléphérique
jusqu'à 1930 m d'altitude. Comme tous les jours, des
embouteillages nous ralentissent à l'entrée de
Zakopane. Après une quarantaine de minutes pour parcourir
5 km environ, nous atteignons Kuznice, point de départ
du téléphérique. Une queue dense de plusieurs
centaines de mètres s'étire sur le trottoir et
il faudrait aller garer la voiture à deux kilomètres
de là et revenir ensuite à pied ou en calèche.
Nous renonçons. Faire la queue une ou deux heures pour
se retrouver en haute montagne en compagnie de hordes de promeneurs
! Le jeu n'en vaut pas ma chandelle. Il y a décidément
trop de monde dans les Tatras.
Nous rentrons déjeuner au camping et rangeons tout pour
gagner Cracovie dans l'après-midi. Dommage de quitter
ce camping tellement agréable !
Une centaine de kilomètres nous séparent de Cracovie.
En chemin, nous nous réapprovisionnons au supermarché
Alma pour être tranquilles quelques jours. Il fait chaud,
trente degrés. Nous nous installons au camping 171 à
l'entrée sud de Cracovie. C'est un terrain assez grand,
par chance pas trop peuplé, mais bien plus cher que les
précédents. Nous avons choisi un emplacement de
bonne taille, un peu isolé. Cela me permettra de jouer
de la guitare, tard en soirée, sans déranger.
Le soir, nous goûtons le fromage feuilleté de Zakopane.
Finalement, il n'est pas extraordinaire, c'est bien de l'avoir
connu mais cela ne vaut pas le sublime "Banon" que
nous avions adoré dans les Alpes de Haute Provence en
mai.
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