Après quoi, nous chaussons les raquettes
et allons marcher le long de la rivière qui trace un
sillon gris métallique dans le paysage immaculé.
Nous sommes neuf, les premiers doivent faire la trace dans la
neige molle qui s'enfonce, les autres suivent le chemin aplani.
Quel plaisir, cette promenade, émaillée de quelques
chutes dans la neige profonde, de tours et de détours
pour éviter les rives qu'on devine là où
la végétation ne pousse pas, de descentes dans
des endroits scabreux, de souches d'arbres qu'on découvre
soudain sous nos raquettes !
Nous rentrons en fin d'après-midi, sans avoir eu froid
un seul instant, au contraire, j'ai même enlevé
les gants et nous ne portions que nos habits de ski personnels.
La combinaison et les sur-gants ne sont utiles qu'en motoneige
ou en traîneau, à cause de la vitesse.
Le dîner comme d'habitude, est excellent et l'ambiance
chaleureuse, Ola a fait préparer un gâteau en forme
de cœur pour Elodie et Amaury (en lune de miel). C'est
un véritable contact avec l'habitant que nous avons avec
lui, d'autant plus qu'il parle bien français. Il nous
explique la vie ici, les coutumes, nous parle de lui et de son
métier.
Nous sommes dans ce village de chalets, comme reçus dans
une famille, avec les repas à la grande table, les plats
préparés à la maison et toutes sortes de
produits locaux, baies sauvages, airelles, myrtilles, fraises
de pays, poissons, renne, boisson aux baies. C'est fort plaisant,
et nous goûtons là, une qualité de vie appréciable.
Ce soir, nous nous attardons plus longtemps que d'habitude,
à bavarder avec Ola, Marc, André, Valérie,
Jérôme, Elodie et Amaury.
Jeudi 13 mars
Il fait plus froid ce matin, moins 6 à moins 7°…
A dix heures, nous enfourchons les motoneiges. Nous filons à
travers la forêt, bondissant sur les bosses et dans les
creux, atteignant 50 à 60 km/h sur le plat. Deux rennes
s'échappent sur notre droite, peut-être à
cause du bruit des huit motoneiges. Mais après tout,
ils y sont habitués, et comme personne ne leur fait de
mal, ils n'en ont pas vraiment peur. Il n'y a plus de neige
sur les arbres ce matin, tout est tombé. Je n'ai pas
froid avec mes trois paires de gants, un collant sous le pantalon
de ski, un tee-shirt de sport, deux paires de chaussettes dont
une en soie, deux pulls et par dessus tout ça, la combinaison
grand froid, la cagoule et le casque.
En fin de matinée, nous nous rendons sur un grand marécage
gelé qui offre un vaste espace plat et là, chacun
de nous peut conduite la motoneige à son gré,
à la vitesse qu'il veut. Je fais trois grands tours (4
ou 5 km), tranquille. Elodie, Valérie, Dominique essaient
aussi. Puis quelques hommes se lancent dans des pointes jusqu'à
85 km/h. Ola emmène derrière lui, quelques volontaires,
mais ça va vraiment très vite, je n'ai pas envie
d'essayer !
A midi, nous déjeunons dans une kota minuscule, tous
serrés autour du feu de bois sur lequel cuisent les saucisses
qu'on mange à la main, les sandwiches au fromage grillé,
la marmite de pâtes. Les bouilloires noircies contiennent
les boissons chaudes à base de baies qui accompagnent
le repas, le café, le thé et le chocolat. C'est
très convivial.
Après le déjeuner, nous reprenons les motoneiges,
longeons un enclos de rennes, et passons dans la poudreuse.
Plusieurs motos se plantent dans la neige profonde (dont la
nôtre), c'est lourd à dégager, mais on y
arrive sans aide. Elodie et Amaury versent sur le côté,
comme nous l'autre jour ! Spectaculaire !
Nous arrivons vers 15 heures au village, après une belle
balade de 45 à 50 kilomètres.
Après quoi, Jean Paul et moi allons
faire quelques photos du village, vu depuis l'autre côté
de la rivière, puis nous rentrons bouquiner, comme chaque
soir.
Au dîner, saumon fumé vraiment goûteux, mouton
mariné aux pruneaux et divers mets succulents se succèdent
dans une bonne atmosphère, à notre grande tablée
familiale.
Vendredi 14 mars
Quelques légers flocons volent et il fait bien plus froid
que les autres jours. A dix heures, nous partons pour la ferme
des rennes. Nous essayons d'abord les traîneaux à
rennes sur le plateau. Notre renne court vite, c'est amusant,
mais la balade ne dure pas longtemps. Puis nous visitons l'élevage,
la maison du grand-père, et allons porter du fourrage
aux rennes dans la forêt. Après quoi, nous déjeunons
à la ferme dans une grande kota moderne qui tient plus
du restaurant que de la kota traditionnelle. Seul le feu central
rappelle celles qu'on a découvertes dans les forêts.
Nous quittons l'élevage en direction de Sodankylä,
un village lapon qui n'a de lapon que le nom. Quelques petits
supermarchés, une boutique de souvenirs, un magasin d'alcools
que nous n'allons même pas voir, et quelques autres commerces…
Rien de bien passionnant !
Nous rentrons au chalet en fin d'après-midi, sous un
beau soleil, tandis qu'au moment d'aller dîner, le froid
se fait plus vif, moins 10° avant le repas et moins 17 °
à 21 heures quand nous sortons pour aller admirer une
première aurore boréale. Nous resterons 45 minutes
dans ce froid à les voir se succéder, presque
toutes vertes, sauf une que nous voyons rosir sous nos yeux.
Au début, tout le monde était dehors; à
9 h 45, nous ne sommes plus que cinq courageux et gelés
pour affronter la température glaciale. Il ne fait pas
loin de moins 20° ! Elodie et moi n'avons qu'un jean et
une veste de ski et nous avons l'onglée mais c'est si
beau, ça vaut le coup de rester dehors ! On n'en reverra
pas de si tôt ! Nous prenons de nombreuses photos, nous
verrons ce que ça donne une fois rentrés en France.
Jean-Michel qui a un pied pour son reflex restera deux heures
dehors pour immortaliser ces instants précieux.
Samedi 15 mars
Froid ! Moins 15° !
Aujourd'hui, c'est journée libre, mais Ola nous propose
un choix d'activités. Nous partons à six avec
lui, pour trois heures de motoneige, Marc, André, Amaury,
Elodie, Jean Paul et moi sommes de la partie. Nous parcourons
un circuit de 55 kilomètres avec des pointes à
60 km/h sur le plat. Dans la poudreuse la sensation est étrange,
nous avons l'impression de flotter dans du coton. Dans la forêt,
bosses et creux se succèdent. Sur le barrage, nous nous
arrêtons un moment pour photographier la rivière
qui traverse un paysage vierge.
Ola nous emmène ensuite dans la neige profonde, soudain
le voilà planté ! Les hommes tirent, poussent,
s'enfoncent dans la neige, avancent à quatre pattes pour
rester à la surface. Nous les deux filles, nous aurons
notre heure de gloire un peu plus tard, quand nous ramperons,
marcherons à genoux, nous enfoncerons plus haut que les
cuisses pour aller nous cacher derrière les sapins enfouis
dans la neige (toilettes en plein air) ! Une franche rigolade
!
Notre combinaison se remplit de neige et nos boots aussi. On
aurait mieux fait d'y aller toutes les deux en motoneige, plutôt
qu'à pied !
Après une petite boisson chaude, nous repartons. Ce sera
un bon souvenir, cette promenade dans le froid, à travers
les sapins couverts de neige, sur le barrage qui domine la rivière
partiellement gelée, dans les chemins étroits
et bosselés. Dans un virage, Marc et André, au
sortir d'un chemin de poudreuse qui débouche sur une
large piste, plantent la motoneige sous des tonnes de neige
molle. Il faut encore tirer, pousser et hop, ça repart
de plus belle ! Jean-Paul et moi réussissons à
passer le virage de justesse, j'ai posé mon pied juste
à temps dans la poudreuse, pour rétablir l'équilibre
et éviter que la moto ne se couche, nous redressons et
repartons.
Ce qui est intéressant dans ce séjour, c'est qu'Ola
est un local, il vit ici, ce n'est pas un guide parachuté
de n'importe où, si bien qu'il nous fait découvrir
sa région, ses petits chemins qu'il connaît parfaitement
et les meilleurs coins.
La motoneige permet d'explorer des endroits retirés qu'on
ne peut atteindre en voiture. Nous glissons à quatre
motoneiges, dans un décor magique, sapins de blanc vêtus,
ondulations naturelles, étroits défilés
entre les arbres, larges plaines plates, nous sommes seuls dans
cette nature, seuls à des kilomètres à
la ronde, sensation extraordinaire que la découverte
de ce paysage aussi inhabituel pour nous.
Nous rentrons aux chalets à 13 heures et retrouvons les
autres pour le déjeuner.
Juste après, nous formons un nouveau groupe de six (Elodie,
Amaury, Valérie, Jérôme, Marc et moi) pour
aller faire une balade en raquettes de l'autre côté
du fleuve. Les hommes font la trace chacun leur tour, c'est
plutôt dur ! Marc s'enfonce dans un trou jusqu'à
la taille et Jérôme doit l'aider à sortir
de là ! Pour nous, derrière, c'est plus facile,
la trace s'enfonce de 40 à 50 centimètres traçant
un sillon tortueux dans la neige fraîche. Nous suivons
cet étroit couloir, en enjambant parfois des branches
d'arbres, et en franchissant des barrières pour pouvoir
continuer notre progression. Après 45 minutes, nous rebroussons
chemin. Il n'est pas facile de voir où continuer notre
route. Nous sommes très près de l'eau. Le retour
est plus facile, la trace est faite. Malgré les moins
8°, nous avons eu bien chaud.
Après ces activités intenses qui défoulent
et une douche bien relaxante, je rentre lire jusqu'à
l'heure du repas. J'adore ces journées où l'on
se donne à fond, où l'on vit pleinement chaque
instant.
Le dîner de ce dernier soir est très
joyeux, une cascade de fou-rire, nous profitons des derniers
moments de vacances, avant le départ demain. Nous échangeons
nos e-mails (sauf Christian et Dominique qui n'ont pas d'ordinateur),
et décidons de mettre nos photos en commun sur un site
d'hébergement de photos. Je me chargerai de l'ouvrir,
et d'envoyer à tous, les codes d'accès.
Ce soir, pas d'aurore boréale, il fait encore froid,
mais moins qu'hier. Nous regagnons les chalets plus tard que
d'habitude, il est 22 h 45.
Dimanche 16 mars
Pour notre départ, il neige à gros flocons, un
vrai paysage de carte postale ! C'est beau !
Nous partons à 10 h 30. A mi-route, le soleil apparaît,
illuminant la neige. Nous roulons deux heures pour parcourir
les 180 kilomètres qui nous séparent de l'aéroport.
A 13 h 45, nous embarquons, pour décoller une demi-heure
plus tard.
Trois heures plus tard, nous somme à Orly. Il est 16
h 30 heure française. Il pleut !
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