Vendredi 3 décembre
Nous déjeunons sur une terrasse donnant sur la rivière
aux parfums, face à quelques îlots que longent
les bateaux locaux. Le ciel est sans nuages aujourd'hui.
La journée commence par la visite de la pagode Tu Hieu,
dédié à un fils fidèle qui ne se
maria jamais et vécut près de sa mère sa
vie durant et ensuite dans une cabane en bois construite près
de sa tombe. Nous assistons à la cérémonie
de la prière (tous les jours de 10h à 16h). Un
joli son de gong vibre pour appeler les bonzes. Ils sont quatre
et entonnent des litanies dans l'odeur de l'encens qui brûle
tandis que l'un d'eux frappe le gong au son pur à intervalles
réguliers. Les autres agitent des clochettes ou frappent
une espèce de boule au son de tambour. La fumée
d'encens qui s'élève est considérée
comme le fil qui relie l'humain au ciel et aux morts et permet
de communiquer avec eux.
Nous nous arrêtons à une boutique où on
fabrique les bâtons d'encens colorés. De fines
baguettes de bambous sont teintées de couleurs différentes
à une extrémité et enrobée à
l'autre d'une espèce de pâte faite de poudre de
bois de santal mêlée à de l'eau. C'est cette
partie qui brûle.
Quant aux chapeaux de Hué, ils sont curieux, faits de
deux couches de feuilles de palmiers sauvages entre lesquelles
on intercale un découpage en papier journal représentant
les monuments de la ville. Ainsi par transparence, on aperçoit
ces motifs.
Nous arrivons maintenant au mausolée de Tu Duc. Celui-ci
servit d'abord de résidence secondaire au roi et par
la suite de tombeau. Il est plus grand que la cité interdite
et comprenait à l'époque cinquante monuments.
Le roi Tu Duc avait trois femmes et cent concubines
et c'est lui qui régnait (de 1848 à 1883) lors
de l'invasion française. Les jours pairs, il vivait dans
la cité interdite, les jours impairs dans le mausolée.
A sa mort, tous les bâtiments sont devenus temples dédiés
à lui et à sa mère.
L'ensemble est édifié dans un cadre harmonieux,
mariage de verdure et d'eau; Le tombeau se situe dans le cadre
classique, paravent, montagne et eau (ici c'est artificiel),
tout au fond d'une enfilade de portes toutes protégées
par des paravents dont certains sont faits de céramique
incrustée. Une immense stèle de 23 tonnes restitue
la biographie de Tu Duc (en chinois), écrite par lui
de son vivant.
Le prochain arrêt est pour la pagode de la dame céleste,
Thien Mu, la plus ancienne de Hué, qui avec ses sept
niveaux représente les sept vies du Bouddha ancien et
aussi les sept étapes pour atteindre le Nirvâna.
Etre heureux dans sa vie, c'est déjà le Nirvâna,
alors si on n'est pas heureux dans sa vie, on se réincarne
encore et encore.
La pagode est protégée par six
bons génies et six mauvais, grandes statues colorées
de chaume et de terre cuite mélangés. Au centre
trône un énorme Bouddha en bronze doré (bouddhisme
du grand véhicule). Comme dans tous les sites visités,
il règne ici une grande paix Nous montons ensuite dans
un bateau dragon, qui circule sur la rivière des parfums
aux eaux limoneuses et jaunes, au milieu des bateaux-habitations,
longues barques à moteur en bois, dotées d'un
abri semi-circulaire en tôle, et qui transportent divers
matériaux, bois par exemple ou poissons.
Normalement la rivière est bleue, mais
les pluies lui donnent cette couleur jaune pendant la mousson.
Nous abordons au marché de gros et détails. Montagnes
de produits... Après quoi, nous nous rendons au restaurant
en cyclo-pousse. C'est toujours amusant de circuler doucement
au milieu des motos qui nous encerclent. Détail comique,
le conducteur de mon cyclo-pousse, bavarde dans son téléphone
mobile tout en pédalant... Choc de deux mondes !
Après le déjeuner pris assez tard aujourd'hui,
la voiture nous amène à l'aéroport. Une
heure de vol et voici Saigon tout en lumière et enveloppée
de chaleur. A la sortie de l'aéroport, personne ne nous
attend ! Je me renseigne auprès d'un accompagnateur de
voyage qui téléphone à Asian Trails et
juste à ce moment notre guide, Dung, arrive. Il a été
coincé dans les embouteillages. Depuis le ciel, d'ailleurs,
nous avons pu voir les grands rubans de lumière, le plus
long étant la route Mandarine.
Nous roulons directement jusqu'au restaurant "Indochine"
en centre-ville, dans des embouteillages monstres. Nous irons
à notre hôtel situé dans l'ancien quartier
colonial français, après le dîner. Ce restaurant
est somptueux, nous dînons sous une grande tonnelle envahie
de végétation au bord d'un bassin d'où
s'élève de la vapeur colorée de lumière.
Sous les palmiers, bananiers et autres arbres, est exposée
une traction avant rouge du plus bel effet. Trois musiciens
jouent sur des instruments locaux, deux cithares à 16
cordes d'origine chinoise et un monocorde purement vietnamien.
Excellent repas cette fois encore, tout en
saveur, en douceur, en parfums... Mariage de sucré-salé,
doux et délicatement épicé. Une fois arrivés
dans notre chambre au 21ème étage de l'hôtel
Windsor, nous découvrons Saigon illuminé, c'est
beau.
Samedi 4 décembre
Grand soleil et chaleur dès le départ à
8h30. Trois heures de route vont nous amener à Cai Bè,
où nous attend le Bassac, joli bateau en bois, sur lequel
nous allons parcourir le delta du Mékong.
Le Mékong
Le delta du Mékong au sud et celui du fleuve rouge
au nord sont les deux paniers de riz du Vietnam. Mais
le Mékong est plus fertile et le climat permet
trois récoltes de riz par an.
Le Mékong long de 4200 km traverse la Chine, la
Birmanie, le Laos, le Cambodge, la Thaïlande et le
Vietnam. En arrivant près de la mer de Chine, il
se divise en deux bras, puis en neuf branches. Ce delta
fertile grâce aux alluvions permet la culture du
riz, des fruits, des produits maraîchers mais aussi
la pisciculture et l'élevage des crevettes.
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A la sortie de Saigon (Hô Chi Minh, aujourd'hui),
nous longeons un canal couvert de lotus en fleurs. Autour de
nous, les motos sont légion et fréquemment occupées
par trois voire quatre passagers (un couple et deux enfants).
Nous nous arrêtons au temple "Cao Dai", magnifiquement
coloré.
Les religions
Au Sud Vietnam, on rencontre beaucoup de catholiques qui
ont fui le communisme du Nord Vietnam, et bien entendu comme
partout des bouddhistes. Les différentes religions
cohabitent en paix. La secte "Cao Dai" (= palais
suprême) est une sorte de religion universelle qui
fusionne toutes les religions (syncrétisme).
En 1930, 40% des Vietnamiens du sud appartenaient à
cette secte (à l'origine plutôt politique).
Les Français avaient armé les paysans de la
secte qui était farouchement contre les Vietminhs.
Mais aujourd'hui ils ne sont plus que 5%, désarmés
et paisibles. |
La bâtisse est un mélange d'église,
de mosquée, de pagode, le jaune évoquant le bouddhisme,
le bleu le taoïsme, le rouge le confucianisme. Les deux
tours ressemblent à celles d'une église, le toit
à celui d'une pagode, le centre à une mosquée
tandis que les génies du bien et du mal à l'entrée
et la colonne devant avec le svastika, désignent le bouddhisme.
A l'intérieur sont représentés les quatre
animaux sacrés du Vietnam, le dragon, la tortue, la licorne,
le phénix.
Un grand tableau affiche Victor Hugo en compagnie du Dr Sun
Yat Seng, fondateur de la Chine populaire et Binh Khiem un poète
vietnamien, ce qui symbolise les trois alliances entre Dieu
et les hommes.
Dans un autre coin, figurent les uns au-dessus des autres, Bouddha,
Confucius, Jésus-Christ et le génie du taoïsme.
Par la suite, nous traversons des rizières
toute vertes, au milieu desquelles se dressent les tombeaux
des ancêtres, ceux qui ont travaillé là.
Ainsi les descendants peuvent les commémorer, en effet
les Vietnamiens sacrifient au culte des ancêtres (sur
trois générations). Désormais, le gouvernement
interdit l'enterrement en plein champ, mais dans les coins reculés,
les paysans passent outre.
Les chinois
Un proverbe dit : "Les Vietnamiens plantent le riz,
les Laotiens écoutent le riz pousser, les Kmers
attendent qu'il mûrisse et les Chinois le ramassent."
Ce qui signifie que les Vietnamiens sont travailleurs,
les Laotiens gentils et romantiques, les Kmers peu enclins
à travailler la terre et les Chinois profiteurs
et commerçants.
Vietnamiens et Chinois sont des frères ennemis,
à cause des 1000 ans de domination chinoise et
parce qu'aussi les Chinois aidèrent les Kmers rouges
qui voulaient envahir le delta.
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Dans le sud, on sent la différence de
température avec le nord. Le thermomètre affiche
33° en ce moment, et la troisième récolte
de riz est en cours. Outre le riz, le Vietnam exporte énormément
de café et de thé vert. Les frangipaniers sont
en pleine floraison, alors qu'ils n'avaient plus une feuille
à Hué, et dans les jardins et les rues, les fleurs
s'épanouissent sous le soleil.
Le café de déchets
de renards :
Dans le centre du pays, les renards qui aiment le café,
choisissent les meilleurs grains pour les déguster,
s'en empiffrent et en mangent tant qu'ils les rejettent
non digérés, directement dans leurs selles.
Les paysans ramassent alors les crottes de renards dans
lesquelles ils récupèrent les graines de
café. Il est excellent, car les renards savent
choisir celui qui est le meilleur.
Un jour un paysan eut l'idée de créer un
élevage de renards, qu'il nourrirait avec du café,
afin d'en récupérer les crottes, espérant
obtenir un bon café, à grande échelle.
Hélas, ce fut un échec, car les renards
n'ayant pas choisi leur café eux-mêmes, celui-ci
n'était pas meilleur que les autres. |
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