Nous rentrons à Hanoi. Duc nous explique ce qu'on pourra faire demain dans la ville, car nous avons ajouté à notre itinéraire une journée libre avant de prendre le train à 21h50. Ce voyage en train de nuit durera 8h30 pour 296 km. Duc dit que c'est le TGV vietnamien (Train à Grande Vibration). Tout en roulant, il nous raconte des tas de choses sur le Vietnam, mais également des histoires drôles. A chaque trajet un peu long, il fait ainsi et maintenant, musique ! La radio vietnamienne diffuse la plupart du temps des chansons françaises des années 60.

La famille
A 25 ans les filles non mariées sont appelées les "invendables" car autrefois les familles vendaient leurs filles.
Les vieilles filles peuvent acheter un bébé in vitro ou demander au colporteur qui passe dans le village de leur faire un bébé.
Actuellement les hommes épousent des femmes de 7 ou 8 ans de moins qu'eux.
Le concubinage commence à exister parmi les jeunes, mais il ne faut pas que les parents le sachent. Pour ceux qui étudient en ville c'est plus facile à cacher.
Les gens se marient librement avec qui ils veulent, mais pour une veuve ou une divorcée, il est difficile de se remarier, car elle n'est plus vierge.

On dit que 30 à 40 millions de Chinois ne trouveront pas de femme (pas assez de filles), alors ils se marient avec des Vietnamiennes ou des Thaïlandaises.
Alors que les Chinois, n'ont droit qu'à un enfant par famille, les Vietnamiens peuvent en avoir deux. Mais en réalité, ils en ont couramment six ou sept en payant une amende à chaque fois. A la campagne les gens veulent un garçon, car c'est lui qui s'occupera de ses parents dans leurs vieux jours, les filles mariées s'occuperont elles, de leurs beaux-parents.

En ville on incinère les morts car il n'y a pas de place et le terrain est cher mais à la campagne on les enterre encore. Ils sont inhumés une première fois, et 3 ou 4 ans après, on ressort les os et on les enterre de nouveau dans un tombeau définitif.

A l'entrée d'Hanoi, un jeune flic nous arrête, on ne sait pas pourquoi. Devant nous, une autre voiture a été appréhendée, mais le chauffeur a montré une carte (PC ou personne importante) et il a pu repartir aussitôt. Il semblerait que notre chauffeur ait un peu débordé sur la ligne continue dans le carrefour, et du coup il se voit confisqué son permis pour huit jours. Mais il peut encore conduire, car il a versé 1 200 000 dongs (40 euros) et avec le reçu, il a le droit de reprendre le volant.
Pour le chauffeur, cela représente une belle somme par rapport à son salaire.
Nous rentrons à l'hôtel vers 17 heures pour une pause de deux heures avant de ressortir dîner en ville.

Le travail
Un chauffeur de tourisme gagne environ 10 euros par jour pour 10 à 12 heures de travail effectives. Il travaille tous les jours et n'a jamais de vacances. En un mois il atteint à peine 300 euros en comptant les pourboires des clients. Si sa femme travaille aussi, il peut vivre correctement à la campagne. En ville, il ne pourra pas acheter son logement avec ce revenu.

Les employés ont 12 jours de vacances par an ou bien on leur offre 4 jours tous frais payés à la mer et en ce cas, ils renoncent aux huit autres jours.

Corruption
Les fonctionnaires travaillent 5 jours sur 7 et 40 heures par semaine. Ils sont peu payés, mais la corruption leur permet de bien vivre.

Notre chauffeur a été verbalisé officiellement, il a un reçu. Parfois, les choses se passent autrement. Les policiers (souvent fils de dirigeants qui ont bénéficié de passe-droits pour entrer dans la police), laissent repartir les contrevenants moyennant un billet d'une valeur de 10 euros glissé entre les pages du permis de conduire.

Au bac, 95% des élèves sont reçus, car ils paient à l'avance pour avoir le droit d'ouvrir leurs cahiers pendant l'épreuve ou d'apporter des anti-sèches.


Vendredi 26 novembre
Journée libre... Nous partons à 10 heures à pied. Premier arrêt pour une pagode proche de l'hôtel. Mais ce qui nous accroche, c'est la vie de la rue, vendeurs de soupe ou de thé, assis à même le sol, plats divers posés par terre et les gens autour qui mangent à la sauvette, vendeuses de fruits avec leur palanche, cireurs de chaussures, marchands de viande grillée sur place.

Repas sur le trottoir.

Plaques mortuaires.

Nous traversons les rues lentement, comme nous a appris Duc, de façon à ce que les incessants deux-roues nous repèrent et nous évitent. Nous entrons dans le vieux Hanoi, le quartier aux 36 rues et corporations (qui aujourd'hui en compte beaucoup plus), cœur historique de la cité vieille de 1000 ans. Les noms des rues rappellent les marchandises qui y étaient produites (rue de la soie, du coton, du fer, du sucre…) et restent encore de nos jours organisées par activités : argenterie, tableaux, jouets, vêtements, chaussures, décorations de Noël, quincaillerie, graineteries, oisellerie, pâtes, vermicelles, lunettes, bagages et sacs, meubles, plaques mortuaires, fleuristes... Les boutiques débordent de marchandises. Nous marchons depuis plus de deux heures, flânant devant les étals, achetant des bricoles pour nos petits enfants, quand nous atteignons le quartier du mariage, tout au nord, que j'avais envie de revoir, l'ayant aperçu un peu trop vite l'autre jour en voiture. Plus tard, nous passons dans le marché en gros, puis dans d'autres ruelles encore avant d'entrer dans un restaurant à 14 heures. Une petite pause est la bienvenue, suivie d'une autre sur un banc au bord du lac de l'ouest.

A 15 heures, nous reprenons notre périple dans la vieille ville, puis le long du lac et deux heures plus tard nous entrons dans un café pour nous reposer un moment, en effet nous avons rendu les clés de notre chambre ce matin et il reste deux heures avant le dîner. Cette nuit, nous serons dans le train pour le Haut Tonkin et Duc nous avait conseillé de nous fatiguer aujourd'hui pour mieux dormir cette nuit, car les rails anciens ne sont pas très confortables. Je crois que c'est fait, on est bien fatigué d'avoir passé la journée à marcher dans les rues. Nous retournons au restaurant "82 Tho Nhuom", celui où nous avions déjeuné le jour de notre arrivée. Ainsi nous terminons (pour Hanoi) par où nous avions commencé, huit plats délicieux, plus le thé vert.
A 21 heures, nous nous installons dans le train, notre cabine comporte quatre couchettes mais elle nous est réservée pour nous seuls. Heureusement parce que ce n'est pas bien grand, les couchettes sont étroites et les matelas plutôt durs.

Samedi 27 novembre
Après la nuit en train, nous arrivons à 6h30 à Lao Cai, ville frontière avec la Chine, située à 378 m d'altitude. Il crachine. Une voiture avec un nouveau chauffeur nous attend. Nous prenons notre petit-déjeuner dans un restaurant de Lao Cai avant de nous rendre à Can Cau, à 80 km d'ici. Nous sommes dans le Vietnam profond. Nous longeons le fleuve rouge, frontière entre Chine et Vietnam, les plantations d'hévéas situés de l'autre côté du fleuve sont donc chinoises. Autour de nous s'étalent des plantations de thé, longaniers, litchis, bananiers au milieu d'une végétation dense. Sur les bords de la route, sont étalés de fines feuilles de bois d'eucalyptus, destinées à la fabrication d'allumettes. La route monte car Can Cau se trouve à 1300 m d'altitude. Duc nous raconte de nouvelles histoires drôles. De-ci de-là, il nous montre de belles maisons, en dur, aux couleurs vives, qui se démarquent de l'habitat en bois des gens d'ici. Ce sont les maisons des fonctionnaires communistes. Ici, pour devenir fonctionnaire, il faut payer quelqu'un qu'on connaît. Ainsi quelqu'un qui réussit le concours pour être professeur, doit ensuite payer pour être fonctionnaire. S'il ne le fait pas, alors il travaillera sous contrat mais ne bénéficiera pas de l'ancienneté.
Nous roulons maintenant dans les nuages, à flanc de montagne; quelques kilomètres plus loin, nous émergeons du brouillard. La route boueuse et défoncée, se glisse dans les villages, ânes, cochons, vaches, volailles, charrettes dans les rues, femmes Hmong en costume, parfois un éboulement de pierres encombre la chaussée déjà pas large. En contrebas, des cultures en terrasses habillent le flanc de la montagne. La couleur de la terre varie de l'ocre au rouge en passant par l'orangé.

Route dans le Haut Tonkin.

Après 80 km et deux heures de route à travers les montagnes du Tonkin, secoués et ballottés, nous arrivons à Can Cau. Le marché est couvert d'argile boueuse et glissante. Nous marchons du bout des pieds. Costumes bariolés des femmes Hmong, artisanat local coloré sur fond de cultures en terrasses. Le marché est plein de couleurs et d'activités, c'est un autre monde.

Les ethnies
Les Hmong fleuris, ethnie minoritaire sédentarisée aujourd'hui, vivent sur les flancs des montagnes et se rendent dans les marchés de la région pour vendre leurs produits. Tandis que les femmes font du commerce, les hommes attendent près des bestiaux, tout en buvant. Le chef des villages de cette ethnie est nommé par le PC. Les Hmong, originaires de Chine, restent dans les montagnes proches de la frontière, parlent leur propre langue (langue orale uniquement), conservent leurs traditions et ne sont pas intégrés dans la population vietnamienne. Ils vivent à l'ancienne, se lavant peu, les enfants sont sales et mal soignés, les femmes portent de lourds vêtements brodés, sous le corsage desquels, s'accumulent plusieurs couches d'habits.

Il existe 53 ethnies minoritaires au Vietnam, installées principalement dans les hauts reliefs. Pendant notre escapade dans le Haut Tonkin, nous rencontrerons les Hmong, les Tày et les Dao.

L'école
L'école maternelle est gratuite, mais le primaire, le secondaire et l'université sont payants. Malgré les dons de cahiers et livres de l'Unicef, beaucoup d'enfants ne sont quand même pas scolarisés. Pourtant l'école est obligatoire, mais le gouvernement laisse faire.

La journée des enseignants est réservée aux rencontres avec les parents. Ceux-ci sont invités à rencontrer le professeur de leur enfant. La coutume veut qu'ils arrivent avec des cadeaux afin que les enfants aient de bonnes notes.

L'armée
Le service militaire dure de 18 mois à 3 ans suivant la caserne où on est affecté. Mais en payant le médecin, on peut être exempté car il déclare alors une fausse maladie.

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