Nous prenons la direction de Yasilhisar. La
route qui serpente entre cavernes et cheminées, roches
arides et montagnes vertes, passe devant Guzeloz et s'enfonce
dans la vallée de Soganli. Les nuages gris se déchirent
en trouées bleues, c'est tout de suite plus sympathique.
Soganli : Quelques églises taillées à même
la roche et dont les plafonds présentent des restes de
fresques bien usées par le temps, s'échelonnent
sur le chemin qui se glisse parmi les cheminées creusées
de grottes. Le soleil joue à cache-cache avec une poignée
de gouttelettes.
Mustafapasa : Etonnant mélange de maisons creusées
dans la roche et de bâtisses dont le contour des portes
et fenêtres est orné de ciselures finement travaillées.
Nous arrivons à l'hôtel Kapadokia Inn, situé
à deux pas d'Ortahisar, et très facile à
localiser ! Surprise ! On nous a donné une vaste suite
avec bar, canapé, fauteuils et belle chambre ! La salle
de bain à elle seule est presqu'aussi grande que la minuscule
chambre de l'hôtel Martinenz à Istanbul (chambre
petite mais repas excellents !) De plus, la fenêtre donne
directement sur le rocher d'Uchisar, une merveille… En
fait, nous avions juste réservé une chambre, mais
vu le nombre de bus sur le parking, je suppose que l'hôtel
est plein et comme nous sommes un des rares couples à
voyager seuls, ils ont dû nous donner une suite restée
libre.
Les valises posées, nous allons faire un tour à
Ortahisar, dominé par un énorme rocher creusé
de grottes sur lequel se détache le minaret de la mosquée.
Ce village recèle peu de curiosités, si ce n'est
une grande maison troglodyte installée dans une cheminée
rocheuse et dont les dépendances habillent la grosse
pierre et quelques églises rupestres disséminées
dans les alentours, nous ne savons pas exactement où.
De toutes façons, la journée tire à sa
fin !
A 21 heures, nous sommes de retour dans notre
suite grand luxe, après un dîner composé
de mets raffinés, potages, entrées originales
et variées, viande, poissons, légumes cuisinés
à la Turque et buffet de desserts abondants.
ETAPE : 432 km
Lundi
24
En route pour Uchisar, tour à tour balayé par
l'ombre des nuages et par le pinceau de lumière du soleil
qui allume les unes après les autres les zones sombres
du rocher et des maisons accrochées à ses flancs.
Petite balade à pied, au pied du rocher, puis derrière
où depuis la route en contrebas s'offrent de magnifiques
points de vue sur les roches perforées, sur le canyon
surplombé de meringues de tous les ocres et beiges possibles
et au loin sur Göreme, blotti au cœur des cheminées.
Göreme : Marcher au milieu des roches
creusés, s'arrêter ici ou là, entrer dans
une église, en "attrapant" au vol des bribes
de commentaires en français, en anglais, en espagnol,
en italien… J'ai appris d'un guide espagnol qu'il existe
deux techniques de décoration des églises. La
première consistait à peindre directement sur
les murs avec une peinture rouge-marron. Plus tard, fut découvertes
la technique des fresques. Les anciennes peintures furent alors
recouvertes de plâtre sur lequel on dessina de belles
fresques colorées. L'usure du temps qui fait tomber le
plâtre décoré, laisse apparaître par
endroits, les anciens dessins rouges.
J'ai appris d'un guide anglais que les pigeonniers creusés
dans la montagne sont aujourd'hui désertés. En
effet, la Cappadoce passe l'hiver sous la neige. Autrefois,
les fermiers nourrissaient les pigeons pendant les grands froids,
mais de nos jours la région étant dédiée
au tourisme, il n'y a plus de fermes et les pigeons s'en vont
voler ailleurs.
A 14 heures, nous déjeunons dans un restaurant, face
au cheminées de Göreme. Un plat typique de Cappadoce,
du bœuf cuit à l'étouffée dans une
poterie qu'on casse devant nous pour en découvrir le
contenu. Le garçon tapote tout autour avec un petit marteau
et la poterie s'ouvre en deux par le milieu. C'est très
bon !
Comme le soleil a l'air décidé
à s'accrocher dans le bleu du ciel, nous retournons à
Uchisar, pour refaire des photos plus lumineuses que celles
de ce matin. Tout le paysage rit maintenant sous la caresse
chaude. Après quoi, nous nous dirigeons vers les vallées
environnantes, Çavusin, deux immenses murailles perforées
de cavernes, Pasa Bagi et ses cheminées de fée
gigantesques au sommet coiffé de drôles de chapeaux,
cavernes là encore.
Ces cheminées sont nées de l'action du vent qui
s'est attaqué à des blocs isolés par le
ravinement, arrondissant les flancs tendres de ces cônes,
au dessus desquels le basalte plus dur subsistait tel un chapeau.
Quand les coiffes basaltiques s'effondrent, très vite,
le reste du cône se désagrège tapissant
le sol de sable volcanique. Quant aux cavernes, elles abritent
tout un monde troglodytique qui s'est organisé grâce
à la roche tendre formée par le volcanisme. Parfois,
les pitons rocheux sont évidés, les falaises criblées
de fenêtres et dardées de cheminées, pour
donner naissance à des maisons souterraines.
Il fait vraiment chaud ici, c'est la première fois depuis
notre arrivée en Turquie que le soleil tape aussi fort.
Les sites ne sont pas trop fréquentés et nous
pouvons stationner partout sans souci, marcher à notre
aise et prendre des photos sans hordes de touristes. C'est l'avantage
d'être là en mai, plutôt que l'été.
Nous roulons jusqu'à Avanos où nous faisons halte
une bonne heure avant de revenir par Urgup, sur une route qui
batifole parmi les cheminées de fée couleur coucher
de soleil et les vertes prairies.
EXCURSIONS : 77 km
Mardi
25
Grand soleil sur Urgup, notre premier village de cette belle
journée d'excursion. D'immenses pans de montagne abritent
de multiples maisons troglodytes dont certaines s'ornent de
façades joliment colorées.
Nous tournons autour du village pour trouver les meilleurs points
de vue sur l'immense muraille percée de toutes parts,
nous arrêtant ici, marchant un peu, repartant avec la
voiture, nous arrêtant de nouveau. Notre errance nous
entraîne jusqu'à Pancarlik Valley, au sud d'Urgup,
une harmonie de champs jaunes piquetés de bleu et du
rouge sang des coquelicots, au milieu desquels chemine une route
de terre qui laisse découvrir de nouvelles formes tourmentées
à perte de vue et sur 360 degrés. Un grand calme
règne, loin de toute agitation, dans cette vallée
où l'odeur chaude et sucrée de la végétation
allume des bouffées de bien-être. Voilà
certainement un petit coin que ne visitent pas les groupes de
touristes qui avalent la Cappadoce en une journée ! Nous
l'avons trouvée, en musardant, au hasard des routes,
et parce que nous avions un peu de temps devant nous. Un ami
nous avait dit avoir passé huit jours à sillonner
en scooter, et à pied, tous les chemins de la région,
c'est pourquoi, nous avions pris une option entre la visite
éclair en un jour et l'exploration des petits coins en
une semaine, soient quatre jours de balades tranquilles.
Par le hasard d'un chemin, nous découvrons
Ortahisar sous un autre angle, celui sous lequel les cartes
postales le présentent, le plus beau ! Plus loin, ce
sont des paysans lourdement habillés, qui binent leur
champ aride à la main, sous le soleil cuisant et d'autres
symphonies de coquelicots. Nous roulons à 10 km/h sur
cet étroit chemin bucolique, seuls. Tout au bout, un
ruisseau barre la route, nous le franchissons comme nous en
avons franchi d'autres, au Costa
Rica, en Afrique
du Sud, mais il nous faut rebrousser chemin, c'est une impasse.
Ce type de balade, hors des sentiers battus, dans la solitude
d'une nature à l'état brut, c'est ce que je préfère
dans les voyages. Rouler au pas, s'arrêter toutes les
trois minutes, marcher un peu, capturer des images, repartir,
recommencer…
De retour sur la départementale, nous nous en écartons
de nouveau très vite par une piste qui nous mène
à Gomeda. Que c'est beau ! Chaque virage découvre
des immensités de roches tourmentées, meringues
en tuf, champignons de pierre, dômes rosés, crème
ou beiges, cônes, pics volcaniques, canyons, vallons drapés
de roches aux couleurs changeantes… La main de la nature
a été bien inspirée et bien habile de façonner
un décor tel !
A Ayvali, nous photographions un vieil homme sur son âne,
il s'arrête pour nous demander d'où nous venons,
difficile d'échanger plus que quelques mots, il ne parle
que turc. Le chant du muezzin emplit Ayvali, une femme âgée
passe, sa houe sur le dos… Nous nous arrêtons pour
chercher notre route, des gens s'approchent, souriants, nous
serrent la main, nous indiquent (en turc) la route sans que
nous ayons rien demandé, posent pour une photo…
Quelle gentillesse !
Les Turcs sont très avenants, toujours
prêts à vous renseigner même s'ils ne parlent
que turc. Les mendiants ne vous importunent pas et les commerçants
n'insistent pas vraiment quand on ne veut pas acheter leur marchandise.
Dans les villages, l'accueil est plaisant. Sourires des femmes,
elles acceptent d'être photographiées de bon cœur.
Belles rencontres, fugitives, qui ne durent que l'espace d'un
regard, d'un sourire, le temps d'un "hello", "bye-bye",
mais qui donnent aux voyages de l'épaisseur. Même
si nous ne faisons que passer, photographier, admirer, la rencontre
avec la population locale apporte une touche d'authenticité.
Déjà 14 heures ! Le temps file…
Après Masi, le volcan Erciyes Dagi (environ 3900 m) se
dévoile, coiffé de neige étincelante, majestueux,
dans le paysage. Nous déjeunons à Mustafa Pasa,
dans un restaurant sur la paisible place centrale... quelques
tables sur la chaussée, à l'ombre de grands parasols.
Sur la route d'Urgup à Zelve, se dressent
d'impressionnantes formes d'animaux, par milliers, sentinelles
de pierre érodées par la pluie et le vent. Peu
après, c'est Zelve avec son musée en plein air
qui n'est autre qu'un bout de nature emprisonnée, pour
pouvoir récolter un droit d'entrée, comme à
Göreme.
Etonnante balade, dans un sentier encaissé entre abruptes
parois, aubépines fleuries, cheminées de fée,
murailles creusées qui évoquent un peu les Ksars
tunisiens. L'air bourdonne d'abeilles qui nichent dans les pores
de la roche et bruit de chants d'oiseaux. Les fleurs éclatent
de toutes parts. De retour à Ortahisar, nous nous engageons
sur un chemin poudreux qui semble mener à Urgup. Nous
voilà quelque peu égarés ! Villages perdus,
terrasses de café, où se réunissent, désoeuvrés,
les hommes du cru, femmes en costume, assises sur le pas des
portes, chevaux attelés à une charrue à
l'ancienne.
Finalement, après un grand détour, nous retrouvons
Urgup, que nous parcourons à pied et rentrons par la
route du "Sunset Point" (point de vue sur la vallée
au coucher du soleil).
EXCURSIONS : 169 km
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