Vendredi 2 novembre
Debout à 6 h 30, comme presque tous les matins, nous
partons vers Madurai à 8 heures. Les étapes ne
sont pas si longues en kilomètres, mais elles le sont
en temps. Aussitôt après avoir quitté Periyar,
nous entrons dans l'état du Tamil Nadu où se trouve
Madurai et également 600 kilomètres plus loin
Chennai (Madras) où stationne le cyclone. Renseignements
pris, il ne pleut pas à Madurai. Nous roulons entre palmiers,
vignes, bananiers et diverses cultures avec toujours l'impression
de profusion. Dommage que les flamboyants ne soient pas rouges
à cette époque, car on en voit beaucoup.
Cette région est bien plus pauvre que le Kerala, les
baraques en paille, en tôle, fleurissent au bord de la
route, même les maisons en briques sont rudimentaires
et en mauvais état.
Dans les champs, les femmes repiquent le riz
sur les parcelles que viennent de labourer les hommes avec leurs
boeufs (ou tracteurs pour les plus riches). Les routes sont
larges. Le Tamil Nadu est l'état qui a les meilleures
routes de toute l'Inde. Dans les villes, la publicité
est omniprésente, les maisons sont couvertes d'affiches
colorées, il est impossible d'en mettre davantage. Des
panneaux immenses de plusieurs mètres de longueur exposent
de belles femmes vantant bijoux ou boutiques de mariage. On
retrouve ces affichages partout, même en plein champ !
Nous arrivons à Madurai à 11 heures. Cent cinquante
kilomètres en trois heures, bien mieux qu'hier où
il nous avait fallu le double de temps pour accomplir deux cents
kilomètres !
Dans l'après-midi, nous visitons le "Thirumalai
Nayaka Palace", palais somptueux dont la cour rectangulaire
et les bâtiments ont été bien préservés.
Impressionnante cour entourée de piliers massifs, et
superbes peintures au plafond !
Nous nous rendons ensuite au "Minakshi Sundareshvara Temple",
si vaste qu'il abrite des magasins (saris, bijoux, épices)
comme un souk. Vaste ensemble, il comporte douze gopura immenses,
tours reposant sur du granit et recouvertes de stucs représentant
dieux, animaux et monstres mythologiques aux couleurs vives.
Les quatre gopura principales se dressent à plus de 50
mètres de hauteur. L'intérieur comprend de nombreux
couloirs et salles soutenues par des piliers, dont l'une, la
salle aux 1000 colonnes (Thousand Pillared Hall) en comporte
985 brillamment décorées. Nous flânons avec
plaisir dans ce complexe vraiment digne d'intérêt.
Plus tard, Rajan nous dépose à notre hôtel
et nous ressortons à pied voir les échoppes dans
la rue. Un tailleur pique des costumes à la machine et
JP lui fait recoudre la sangle de sa banane ventrale. L'homme
ne veut pas se faire payer mais nous lui donnons quand même
un billet.
Samedi 3 novembre
Le soleil est de retour. Le cyclone est mort. Nous partons de
bon matin pour visiter le temple "Nellaiapur" à
Tirunelveli en empruntant une autoroute sur laquelle cette fois,
nous pouvons rouler à 100 km/h, une vraie autoroute dont
les deux voies ne communiquent pas, ce qui évite comme
nous l'avions vu en Inde du Nord, de rencontrer des véhicules
à contre-sens. Quant aux vaches, nous en apercevons quelques
unes tenues à la longe et broutant paisiblement l'herbe
du terre-plein central.
Tirunelveli... Passage à niveau... Nous voilà
bloqués une dizaine de minutes pour laisser passer le
train qui va à Chennai.. Attente pittoresque... Vélos,
charrettes à boeufs, motos... les téléphones
portables sortent des poches ! La technologie est partout !
35° à midi ! Nous visitons le temple double de "Nellaiapur",
moins majestueux que celui d'hier mais quand même remarquable,
puis nous marchons dans la ville écrasée de chaleur
! A midi, nous déjeunons dans un restaurant local, de
tomates et noodles aux champignons. Un repas à notre
goût, c'est un fait notable ! En effet, si le soir dans
les hôtels, nous arrivons à trouver des plats non
épicés, soit sur les buffets, soit quand on nous
sert à table, en précisant à chaque fois
"non spicy" (non épicé), le midi, sur
la route, il en va autrement, tous les restaurants locaux ne
cuisinant qu'avec force piments. Aussi selon les jours, nous
mangeons un bol de riz nature à la vapeur ou parfumé
d'épices douces. Il nous est arrivé aussi de déjeuner
d'ananas, cookies et bananes. Cela ne nous dérange pas
de manger peu le midi, vu l'abondance du soir, ou nous consommons
à volonté (jamais moins de quatre plats) que ce
soit un buffet ou un service à table.
Mais ce midi à Tirunelveli, c'est repas de fête
!
Nous repartons rapidement pour Kovalam (150 km et à peu
près trois heures de voyage). 37 ° !
La route est un spectacle de tous les instants... traversée
de villages... femmes en saris (elles ne montrent jamais leurs
jambes au contraire des hommes qui portent souvent des shorts)...
vaches dans les champs toutes accompagnées de deux ou
trois aigrettes... troupeaux sur le terre plein central des
autoroutes... véhicules bondés... tuk-tuk camionnette
transportant une vache et son veau... bus s'arrêtant au
milieu de l'autoroute pour ramasser des voyageurs... voitures
se faufilant entre bus et camions, dépassant à
gauche, à droite, puis se rabattant en queue de poisson...
et klaxon, klaxon...
A l'approche de la pointe Sud, la végétation
se fait moins dense, des montagnes surgissent sur notre droite..
et des éoliennes par centaines. Nous entrons de nouveau
dans le Kerala dans l'après-midi et bientôt nous
voilà à l'hôtel.
Niché au milieu d'un parc de palmiers au travers desquels
on aperçoit la rivière, sa terrasse s'ouvre au
niveau des palmes. Nous sommes là pour deux nuits. Nous
marchons presque une heure et demie entre mer et rivière,
entre palmiers et barques posées sur le sable; une femme
tresse des palmes pour recouvrir sa maison, des hommes jouent
aux cartes, assis en rond sur le sol. C'est paisible, c'est
plaisant. Puis nous dînons dans une grande salle ouverte.
Il fait bon ici, on est dans la nature, c'est beaucoup plus
agréable que ces grands hôtels en ville, où
on ne peut parfois pas ouvrir la fenêtre !
Dimanche 4 novembre
Vizhingam... Dès 8 heures, nous flânons dans ce
petit port de pêche désertés par bon nombre
de pêcheurs partis à la messe en ce dimanche matin.
Les autres ravaudent leurs filets au soleil (déjà
26°). Dans le port, les barques se reposent. Nous nous dirigeons
ensuite vers le palais "Padmanabha Puram" situé
entre Tamil Nadu et Kerala. De chaque côté de la
route, de longues files de gens vêtus de leurs plus belles
parures marchent en file indienne vers l'église. Pourtant
les Hindouistes représentent 80 % de la population, tandis
que les chrétiens, musulmans et bouddhistes se partagent
les 20 % restant.
Comme chaque jour, un guide local nous accompagne. Nous avons
en effet, pour toutes nos visites un guide anglophone (hum !
hum !) mais même les anglais rencontrés à
Kabini avouaient avoir du mal à comprendre leur anglais
! Nous baignons du matin au soir dans un anglais mâtiné
d'indien. Je traduis au fur et à mesure pour JP. Chauffeur
et guide parlent indien entre eux, et sautent à l'anglais
pour s'adresser à nous. Moi je participe en anglais puis
passe au français pour expliquer à JP. Mais je
comprends beaucoup mieux Rajan - je me suis habituée
à son accent - que les différents guides qui se
succèdent chaque jour.
Notre chauffeur parle sept langues, l'anglais, l'hindi et cinq
langues des états du Sud.
Le palace "Padmanabha Puram", composé d'espaces
organisés autour d'un beau temple, est une merveille
d'architecture en bois de teck. Il s'agrémente de nombreux
chefs-doeuvre : plafonds richement ouvragés, piliers
sculptés, toits de tuiles en forme de pagodes, fenêtres
à jalousies permettant de voir sans être vu et
aérant agréablement l'intérieur.
A noter une taxe pour les caméras vidéos de 25
euros !
Suchindram... Sur notre route vers le cap sud de l'Inde, nous
faisons halte pour visiter ce temple chargé de sculptures
couleur ivoire. Ici, photos interdites ! Les hommes doivent
entrer torse nu; toutes sortes de rituels se déroulent
sous nos yeux, offrandes de fruits, fleurs, arrosage des dieux
de pierre avec du lait... Tout un monde se meut dans les salles
sombres aux superbes piliers, priant, adorant, offrant, se prosternant
devant les dieux habillés de chiffons.
Kanyakumari... Nous voici maintenant à la porte sud de
l'Inde, notre "deuxième bout du monde" après
le Cap
de Bonne Espérance en Afrique du Sud.
Là, se rejoignent la mer d'Arabie (mer d'Oman), le Golfe
du Bengale et l'Océan Indien, provoquant vagues et vent
à leur confluence. A quelques encablures de la côte,
sur une île rocheuse, se dresse le Vivekananda Memorial
surmonté d'une immense statue du poète Tiruvalluvar.
Sur la plage on peut admirer un grand mémorial rose où
reposèrent les cendres de Gandhi avant d'être jetées
à la mer.
Nous entrons dans un restaurant local à Kanyakumari,
où comme partout les Indiens mangent des chapatis avec
un grand plat de riz et de multiples sauces épicées
immangeables pour nous. Ils malaxent le riz à pleine
main, la droite, intégrant les sauces, et formant des
boulettes qu'ils avalent au fur et à mesure. Pour nous,
ce sera noodles aux légumes accompagnés de trois
sauces dont une seule est assez douce... Avec un litre d'eau
fraîche, nous en aurons pour 166 roupies à deux,
soient 2 € 60 !!!
Nous rebroussons chemin. En route, nous rencontrons plusieurs
processions de l'école catholique du dimanche. Aujourd'hui
c'est leur fête annuelle. A un moment, nous sommes bloqués
dans l'embouteillage provoqué par la procession et nous
pouvons mitrailler longuement les jolis costumes des participants
qui passent à côté de notre portière.
Notre dernier arrêt est pour le temple
"Padmanabha Swamy" à Trivandrum dans lequel
nous ne pouvons entrer et qu'il ne faut pas photographier de
près alors qu'il est si beau avec ses sculptures couleur
ivoire. Mais les Hindous y ont découvert un trésor
l'an dernier et le gardent jalousement. Des gardes armés
interdisent toute velléité de photo de près.
Si bien qu'on le photographie de loin avec les poteaux et fils
électriques devant ! De retour à Kovalam, nous
allons faire un tour à pied le long de la mer, en partant
à l'opposé d'hier.
Lundi 5 novembre
Aranmula sera notre seule visite du jour.
Mais d'abord, nous traversons Trivandrum, capitale du Kerala.
Les abords de la ville sont particulièrement sales. Sur
des kilomètres, un ruisseau vaseux, parfois asséché,
court entre les deux chaussées et sert de dépotoir.
C'est un long ruban d'ordures que nous suivons, sacs plastiques,
montagnes de coques de noix de coco, déchets de toutes
sortes...
Nous roulons maintenant en direction du Nord. Jusqu'à
présent nous descendions vers le Sud, mais maintenant
s'amorce la route du retour.
A Aranmula, nous entrons dans le petit temple "Parthasarathy"...
Accueil en musique, instruments à vent et percus, cérémonial
hindou à l'intérieur à la gloire de Krishna...
Comme il est midi, nous assistons à la distribution de
nourriture aux indigents, une grosse portion de riz enveloppée
dans une feuille de bananier fraîche et du lait versé
dans un récipient en plastique qu'ils apportent avec
eux.
Nous continuons vers Kumarakom où nous arriverons vers
15 heures, pour nous installer dans d'agréables lodges,
avec terrasses donnant sur le plan d'eau, le tout à quelques
pas des back-waters où nous avons prévu une croisière
demain.
Mardi 6 novembre
Midi : Nous embarquons sur un house-boat pour nous tout seul,
avec une cabine agréable et surtout un grand pont salle
à manger, bien ombragé et dont les cloisons sont
faites de croisillons en bambou, qui laissent passer l'air et
permettent de voir, tout en étant abrité du soleil.
Nous y dormirons et débarquerons demain à Allepey
où nous attendra Rajan. Nous glissons sur l'eau plate
entre jacinthes d'eau et palmiers sur les rives.
Vers 13 heures, le bateau vient accoster doucement à
l'ombre des palmiers. Le moteur - pas trop bruyant - se tait,
c'est la pause-déjeuner. Après sa sieste sur le
plancher d'une coursive, le conducteur reprend la barre d'une
main et de l'autre son parapluie qu'il utilise en guise d'ombrelle.
Nous longeons des rizières que des pompes assèchent
en évacuant l'eau vers le canal sur lequel nous naviguons.
Quand il n'y aura plus d'eau, le riz sera semé puis récolté
quatre mois après. Plus loin, une femme lave ses grosses
marmites dans le canal. Ici ou là, une maison à
l'ossature en branches, recouverte de grandes toiles plastiques
blanches, abrite quelques indigènes. D'autres sont construites
en dur et peintes de couleurs vives. Les oiseaux (cormorans,
aigrettes) sont partout, dans les palmiers, au milieu des jacinthes
mauve pâle qui envahissent la surface des eaux. Ici ou
là, des lotus roses se dressent fièrement au-dessus
de la nappe fleurie. Un long serpent de ferme (mangeur de rats),
traverse à la nage juste devant nous, il ondule au ras
de l'eau, très rapide. Nous avons quitté les eaux
larges et nous enfilons maintenant un étroit bras d'eau.
Deux bateaux ne peuvent se croiser ici, aussi laissons-nous
le passage à une grosse barque qui arrive en face ! Il
y a plus de courtoisie sur l'eau que sur la route ! Bientôt
le bateau se fraye un chemin à travers la nappe de jacinthes,
chemin qui se referme sur notre sillage. Nous ne sommes plus
sur l'eau, mais dans un champ de fleurs. Etonnant !
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