Il fait une chaleur étouffante. En repartant,
nous prenons quelques photos du cénotaphe envahi d'oiseaux,
avant de redescendre vers "Tower Clock", le quartier
du bazar, avec ses ruelles tortueuses, ses belles maisons, son
animation. C'est la partie la plus pittoresque de la ville.
Le chauffeur gare la voiture et nous attend. Nous entrons dans
le bazar. Pas triste ! Klaxons bloqués, motos, tuk-tuk,
vélos se glissent dans la foule piétonne. Des
infirmes en caisse à roulettes nous suivent et nous sollicitent,
gamins au moignon de bras tendu, adulte ratatiné sur
une carriole tirée par un autre… Hommes crachant
par terre, chevaux attelés et vaches, chameaux tirant
une charrette disputent la route aux véhicules, dans
une abominable odeur d'urine animale, mêlée aux
échappements des milliers de véhicules.
Echoppes de cordage, ballots de laine brute, magasins de vélos,
bassines géantes de friture, vêtements, fruits,
casseroles, quincaillerie, bibelots, chaussures, épices,
graines, sacs de nouilles de 50 kg, bonbonnes de gaz, gâteaux,
fripes, sucreries, bijoux, tissus, marionnettes, et j'en oublie…
Un bain mémorable dans le bazar non touristique de Jodhpur
! Je ne crois pas avoir vu d'autres Occidentaux que nous.
Après avoir retrouvé Sanjay,
nous quittons la ville et arrivons à Rohet vers 17 heures.
L'hôtel est situé au bout d'une ruelle encombrée
de vaches. En descendant de la voiture climatisée, nous
entrons dans un four. Dès que nous franchissons le portail,
c'est un autre monde, comme à Bikaner. Les chambres sont
noyées dans la verdure et les fleurs. L'intérieur
est de grande classe, la salle de bains luxueuse, le lit géant
comme d'habitude, garni de coussins dorés, nous avons
même une grande niche remplie de coussins, dont la fenêtre
donne sur un étang couvert de nénuphars et fréquenté
par les paons, de quoi s'installer confortablement pour bouquiner.
En réalité, nous sommes dans le fort de Rohet
qui a été restauré dans la tradition locale,
avec en particulier des peintures murales (processions de chameaux,
cavaliers, éléphants) et transformé en
palais-hôtel. Pas étonnant que ce soit beau !
Nous dînons dehors, au bord de la piscine, par un temps
idéal. Repas bien cuisiné, mais un peu trop épicé!
Nous nous attendions à une cuisine épicée,
mais depuis le début, ce ne fut jamais le cas. Ce soir,
c'est la première fois !
Vendredi 26
Départ à 7 h 30 en jeep pour une balade jusqu'aux
villages Bishnoïs.
En chemin, nous apercevons des troupeaux d'antilopes, et de
grands oiseaux. Le premier village est constitué de cases
en terre, meublées d'un ou deux lits, de paniers et quelques
autres bricoles. Très rudimentaire ! Dans une case, un
bébé de six mois dort dans un berceau fait d'une
toile tendue entre deux barres de bois. Les habitants cultivent
millet, lentilles, pastèques minuscules et autres légumes
pendant une partie de l'année. Ensuite, la sécheresse
interdit d'autres récoltes, alors ils travaillent en
ville. Ils sont végétariens, ne consomment ni
viande, ni poisson, ni œufs. Ils protègent la nature,
les antilopes s'approchent d'eux sans crainte. Trois familles
habitent dans ce village extrêmement propre. Le sol est
en terre battue, soigneusement balayée. Aucun déchet
ne traîne alentour.
Le second village est différent : maisons rectangulaires
peintes et décorées de motifs végétaux.
Nous assistons à la cérémonie de l'opium
en guise de bienvenue. Trois hommes sont assis en tailleur sur
un tapis, devant l'appareil à opium. Un savant dosage
de divers produits, dont les graines de pavot, est déposé
dans l'appareil conçu à cet usage. La mixture
à laquelle on ajoute de l'eau, est filtrée, et
il coule un liquide que l'un des hommes recueille au creux de
sa paume afin que son voisin la boive, puis il se lave la main
et il recommence l'opération pour son autre voisin. Ensuite,
il boit lui-même dans la main du guide qui nous a accompagnés
ici.
A 10 heures, nous partons pour Jaipur dans notre voiture habituelle.
Aujourd'hui encore, la route est à deux voies, avec des
bas-côtés en terre, ce qui permet d'éviter
facilement tous ceux qui doublent en face, n'importe quand.
Car le trafic de poids lourds est dense sur cette voie et très
souvent, nous nous trouvons en face d'un camion en train de
dépasser. A leur portière, est accroché
un drôle de pompon noir, qui aurait le pouvoir de chasser
le mauvais œil ! Hum hum !
Vers midi, nous grignotons quelques toasts au fromage et une
banane (pas de vrai repas au déjeuner, l'Inde a été
longtemps anglaise) puis nous repartons. Je comprends pourquoi
ils ne louent pas de voiture sans chauffeur. Toutes les trois
minutes, nous trouvons un camion en face de nous, sur notre
voie. Ralentissement, parfois bas-côté… ça
passe ! Quand nous sommes en train de dépasser un poids
lourd, il n'est pas rare que celui-ci déboîte en
même temps que nous, il faut alors ralentir et repasser
derrière. Et tout ceci aussi bien en haut d'une côte
qu'en plein virage !
A 150 km de Jaipur, nous traversons une zone montagneuse. La
route est très embouteillée à cause de
travaux sur la voie ferrée. Dans les deux sens, les camions
sont arrêtés sur une file de plusieurs kilomètres.
Des gens vivent dans des tentes carrées, près
la route et profitent de l'embouteillage pour proposer divers
articles sur des étals. A chaque passage à niveau,
d'ailleurs, il en va de même. L'arrêt des véhicules
au passage d'un train est une occasion de vendre.
A 100 km de Jaipur, nous trouvons une autoroute. On peut avancer
un peu, sauf que… tiens ! Deux vaches… des camions
à contre-sens sur la voie la plus à gauche. De
toutes façons, personne ne roule sur cette file de gauche,
la file normale de circulation. Tout le monde utilise les deuxième
et troisième voies… sauf les vélos qui eux,
roulent bien sur la première… parce qu'il y a des
vélos sur l'autoroute. La file de gauche peut aussi servir
aux camions qui stationnent quand il n'y a pas de bas-côté.
Dans les villages, les maisons donnent directement sur la chaussée,
rien n'empêche les véhicules d'accéder à
l'autoroute, voire de la traverser. Les motos par exemple, franchissent
les trois voies les plus proches pour rejoindre les voies inverses
de l'autre côté du terre-plein central, qui est
ouvert régulièrement afin de permettre le changement
de direction. Les tracteurs roulent aussi sur la voie de gauche,
dans le bon sens ou dans l'autre, indifféremment, quand
ce ne sont pas les piétons qui traversent tranquillement,
le téléphone portable à l'oreille. Et nous,
on roule quand même à 90 km/h là-dessus.
A l'entrée de Jaipur, des gens vivent sous des tentes
ouvertes au bord de la route, tout un monde de misère
et de crasse, comme à la sortie de Delhi et d'autres
grandes villes. Ils sont assis dans la terre, au milieu des
tentes avec des gosses partout et semblent attendre, on ne sait
quoi. Dès l'entrée en ville, les camions disparaissent
pour laisser place aux voitures, deux-roues, tuk-tuk et rickshaw
qui s'entassent sur la chaussée de façon indescriptible.
Notre chauffeur reste imperturbable au milieu de cette affluence.
Jaipur, la ville rose, la seule ville rose
de l'Inde ! A 16 h 45, nous entrons dans l'hôtel, un "Holiday
Inn", confortable, mais qui n'a pas le charme des palais-hôtels
ou des Havelis. Peu après, Sanjay nous propose de faire
un tour dans Jaipur, et de nous montrer un restaurant sympa.
Nous parcourons en voiture, puis à pied le quartier du
bazar, il nous emmène voir le City Palace, et nous conduit
ensuite à un restaurant indien, où nous mangeons
en plein air, avec comme d'habitude, musiciens et danseuses.
Nous rentrons à la nuit, il fait encore 30° dehors.
Il y a toujours autant de rickshaws et de motos.
L'hôtel est sur une grande avenue, mais avec les doubles-vitrages,
on n'entend pas grand chose, à peine de temps à
autre un klaxon très assourdi. Dans la chambre, une bouilloire
nous permet de nous faire un petit café (à l'eau
minérale, comme le lavage de dents d'ailleurs).
Samedi
27
Nous sortons de l'hôtel à 8 h 30, le temps est
toujours aussi beau.
Un guide parlant français nous attend pour aller au fort
d'Ambert. La montée se fait à dos d'éléphant.
Une centaine d'éléphants portant chacun deux personnes,
montent cinq fois par jour à la citadelle. Il fait très
chaud, les vendeurs ambulants nous collent. Nous entrons dans
le fort par la porte Ganesh Pol qui donne accès à
la partie privée. La salle la plus jolie est celle des
miroirs. A l'intérieur du fort, se trouve le harem d'un
ancien maharadjah qui avait douze femmes, donc douze appartements
privés, plus celui du roi. Un couloir ceinturait l'ensemble
permettant au roi d'aller discrètement visiter la femme
de son choix. Mais ces appartements ne sont plus meublés.
La climatisation se faisait par de l'eau qui coulait sur le
marbre pour le rafraîchir et l'air passant par des petits
trous dans ce marbre, arrivait frais. L'eau s'écoulait
jusqu'à un bassin où les serviteurs la récupéraient
dans des pots et allaient la reporter au point de départ,
pour ne pas la gaspiller car elle était rare.
Après le déjeuner, nous visitons le City Palace
où le vieux maharadjah de Jaipur vit encore avec sa famille.
Il a converti une partie de son palais en musée pour
les visiteurs afin de gagner sa vie, car il n'a plus aucun rôle
dans le pays. Ensuite, nous allons à l'observatoire où
se trouvent dix-neuf instruments astronomiques colossaux en
plein air, élevés en appareils maçonnés,
couverts de stuc : cadran solaire, instrument pour les astrologues
comportant les douze signes du zodiaque, un autre pour calculer
l'arc céleste et la hauteur du soleil, un pour calculer
les distances des planètes à la terre, un astrolabe
pour marquer l'emplacement de l'étoile polaire…etc.
Après quoi, nous jetons un œil sur le palais des
vents, puis faisons un dernier tour dans le bazar avant de regagner
l'hôtel. La foule est toujours aussi dense. Assis sur
le trottoir, des barbiers rasent les hommes, des femmes chargées
de leur bébé mendient, des cireurs de chaussures
proposent leurs services. Des marchands de friture servent aux
passants des beignets épicés qu'ils emballent
dans un papier journal, des gens se lavent les dents avec leurs
doigts, d'autres sont assis dans la crasse, les étals
regorgent de marchandises, les rickshaws déversent leurs
clients.
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