Mardi
23
Huit heures, il fait beau, la ville est plus calme, ce matin.
Sur la route, nous rencontrons des camions avec toutes sortes
de chargements, briques, bois, coton, bouses de vaches, sable,
goudron… Le paysage semi-aride comme hier, forme un contraste
apaisant avec la route. Des familles entières passent,
installées sur des plateaux à roues tirés
par des bœufs, tandis que les chameaux emmènent
des charrettes chargées de ballots de foin énormes.
Stop ! Traversée de la nationale, par un troupeau de
chèvres ! Pour l'instant, la route est à deux
voies. Comme hier, nous constatons que loin des concentrations
humaines, la terre est presque propre. Après 100 km,
la végétation se fait plus maigre, sable et pierraille
dominent. Des gazelles apparaissent. Encore 100 km et après
un en-cas rapide, à midi, nous reprenons la route. Celle-ci
est presque déserte maintenant. Les champs d'herbes sèches
nourrissent quelques chèvres par-ci par-là. De
temps à autre, un troupeau de moutons ou de chèvres
marche sur la route. Les gens habitent dans des cases recouvertes
de bouses de vaches bien lissées, et regroupées
par quatre ou cinq. Nous arrivons à l'hôtel Rank
Mahal à Jaisalmer, vers 14 heures. Il fait vraiment très
chaud !
En fin d'après midi, nous nous rendons avec un guide
parlant français, Gudu, au cénotaphe des brahmanes,
pour admirer le coucher de soleil sur la citadelle de Jaisalmer.
Gudu nous explique les quatre castes indiennes: brahmanes, guerriers
(dont font partie les marahadjas), commerçants, intouchables,
castes qui tendent à disparaître en Inde mais subsistent
à Jaisalmer, isolée au bord du désert à
150 km du Pakistan. Il nous raconte aussi la réincarnation
dans une caste supérieure si on a fait un bon kharma
sur terre.
Ensuite, il nous emmène faire un tour,
à la nuit tombée, dans le bazar et les ruelles
bordées de belles maisons. C'est beaucoup plus propre
qu'à Bikaner. Jaisalmer vit du tourisme depuis que le
port de Bombay a supplanté le commerce par caravanes
de chameaux qui transitaient par Jasailmer. Le fait d'être
une ville touristique explique sans doute la relative propreté
du bazar.
Nous dînons sur la pelouse de l'hôtel où
est installé un buffet. Le temps est absolument agréable,
une douceur parfaite. Des danseuses virevoltent au rythmes des
percussionnistes assis sur un grand tapis, à quelques
mètres des tables. Ce buffet en plein air est un délicieux
moment de relaxation après la chaleur de la journée.
Mercredi
24
Départ à 8 heures pour passer la journée
à Jaisalmer.
Nous allons d'abord au lac sacré (Gadisakar Lake) qui
pullule de poissons-chats. Les portes du lac furent construites
par une prostituée, c'est pourquoi les marahadjas ne
passent pas dessous, mais les contournent pour aller au lac.
Des gosses très petits (musiciens des rues, une sous-caste
des intouchables, immédiatement au dessus de la sous-caste
des balayeurs), jouent de la musique et dansent pour gagner
quelques pièces.
Nous nous baladons dans la citadelle et la ville basse jusqu'à
13 heures. Pour entrer dans la citadelle, il faut franchir quatre
portes. Sur les murailles, on voit encore les boulets de pierre
qu'on poussait sur l'ennemi. Les rues sont étroites,
bordées de maisons en dentelle de pierre. Sur les murs,
est souvent peint le dieu Ganesh. Il y a 330 millions de Dieux
en Inde, mais seulement quatre ou cinq importants (dont Ganesh).
Jaisalmer est la seule citadelle qui soit encore habitée,
avec dans les rues, des vaches, des cochons, et de très
belles Havelis en pierre sculptée. Les maçons
d'autrefois qui fabriquaient la dentelle de pierre, étaient
payés au poids de poussière enlevée. C'est
un véritable travail d'orfèvre. Les maisons sont
toutes ornées de balcons travaillés.
Aucune dentelle n'est semblable à une autre, toutes rivalisent
de beauté et de finesse. Nous visitons également
deux temples "Jains". L'un d'eux est un véritable
bijou, entièrement travaillé, ajouré, les
murs parés de guirlandes de pierre sont d'une délicatesse
extraordinaire. Tout autour du temple, court une galerie où
se trouvent diverses statuettes de divinités hindoues.
Au centre trône une statue plus grande.
Dans la ville, nous achetons deux instruments pour les garçons
(un violon du désert appelé Rawanhatta), et un
tambour (Nagara).
Au retour à la voiture à 13 heures, il fait si
chaud à l'intérieur de l'habitacle que l'extincteur
a explosé, fissurant gravement le pare-brise et arrosant
le siège passager.
Nous déjeunons dans un restaurant de la ville et rentrons
à l'hôtel à 14 heures. Deux heures plus
tard, nous partons pour le désert du Thar. Nous voilà
juchés sur deux chameaux, en route pour voir le coucher
de soleil sur les dunes de sable. Antilopes, souris du désert,
oiseaux ! Le soleil tombe dans le sable… Contre-jour sur
les chameaux ! A la nuit tombée, nous rentrons au camp,
où on nous accueille avec des colliers de fleurs. Là,
assis dans le sable sur des coussins, avec une bière
bien fraîche, nous assistons à un spectacle de
danseuses et musiciens. Nous bavardons avec Gudu, qui nous explique
qu'il s'est marié l'an dernier (mariage arrangé
comme toujours en Inde). Mille six cents personnes étaient
invitées, de toutes les castes, sauf les intouchables
qui ont refusé. Lui, il est brahmane, petit fils d'un
grand prêtre très connu à Jaisalmer, donc
obligé d'inviter beaucoup de monde et aussi d'aller dans
de nombreux mariages. Il lui arrive de ne pas rentrer manger
chez lui pendant un mois, quand c'est la saison des noces, en
effet on ne peut se marier n'importe quand. Par exemple, en
ce moment, c'est impossible, car les dieux dorment pendant quatre
mois !!!
Les Indiens dépensent peu en général, sauf
pour leur mariage et leur maison. Même les plus nécessiteux
dépensent beaucoup pour le mariage, allant jusqu'à
s'endetter pour inviter un monde fou. Il n'est pas exceptionnel
de compter deux mille invités.
Nous parlons aussi du cinéma indien à Bollywood.
Au spectacle, il y a un groupe de touristes indiens, un groupe
de français, et nous deux. Une française est amoureuse
de Shahrukh Khan, l'acteur indien, elle transporte un porte-feuille
plein de photos de lui. Elle les montre à notre guide.
Nous rions bien, elle est très drôle !
Ensuite, dîner en plein air, au milieu des tentes dont
les murs sont badigeonnés à la bouse de vache,
ce qui donne un bel effet, et est absolument inodore. Le dîner
est sympa, il fait très bon, on est bien.
Nous rentrons dans la douceur de la nuit avec notre chauffeur
et Gudu que nous quittons ce soir.
Jeudi 25
A huit heures, soleil et chaleur comme d'habitude ! Nous allons
aujourd'hui visiter Jodhpur, puis nous rendre ensuite à
Rohet. Nous retraversons les mêmes zones semi-désertiques
qu'il y a deux jours. Des femmes en saris aux couleurs chatoyantes
marchent dans les champs desséchés, portant un
pot ou un panier sur la tête. Des soldats indiens surveillent
la zone, car nous sommes près du Pakistan qui est en
conflit avec l'Inde au sujet du Cachemire. La frontière
entre les deux pays est fermée. La route vers Jodhpur
est large, belle et peu fréquentée. Sur la droite,
de hautes dunes de sable, piquées de quelques arbres,
la bordent. Mais la traversée des villages est toujours
épique, entre vaches, voitures à bras et autres
types de véhicules. Sur les côtés de la
route, bordée d'un terre-plein poussiéreux, s'ouvrent
toutes sortes d'échoppes et d'ateliers plus ou moins
crasseux selon le négoce. Des gens sont accroupis dans
la poussière au milieu des vaches couchées. De
retour dans la nature, nous retrouvons le calme, femmes dans
les champs, bergers vêtus de longues robes blanches ou
pantalons coupés aux genoux et coiffés de lourds
turbans, troupeaux de chèvres, moutons blancs à
tête noire, vaches en maraude, et cases en terre décorées
à la bouse de vache et au toit constitué de branchages.
A une centaine de km de Jodhpur, l'habitat en campagne change
d'aspect. Une enceinte constituée d'étroites et
hautes pierres plates (d'un mètre et plus), plantées
les unes contre les autres entoure une maison rectangulaire
et une ou plusieurs cases en terre couvertes de branchages.
Midi 30, Jodhpur : Circulation intense, essentiellement
de motos et tuk-tuk, et comme partout, échoppes diverses.
Le commerce le plus florissant semble être celui des pneus,
usagers de préférence, on en voit partout à
l'entrée de la ville. Imprévisible circulation,
ça déboîte, double, fait demi-tour, s'arrête,
croise, klaxonne, surgit dans tous les sens. Les clignotants,
on n'en a pas encore vu un s'allumer ! A deux ou trois, sur
les motos, parfois quatre quand il y a deux bébés,
à sept ou huit dans les tuk-tuk prévus pour quatre,
la concentration humaine est effarante, sans compter les piétons
!
Nous montons vers la citadelle, une belle vue s'ouvre sur la
ville bleue, enfermée dans une enceinte d'une dizaine
de kilomètres. Dominant tout ce bleu, le fort Merhangarh
que nous visitons, accompagné d'un guide local parlant
approximativement français, est un vaste musée
comprenant plusieurs palais. A l'intérieur on y admire
des palanquins royaux (sièges d'éléphants),
trônes, chaises à porteurs, berceaux pour bébés,
armes diverses et des salles de toute beauté, décorées
à l'or, comme la chambre du roi ou la salle de bal.
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