Nous entrons dans la province de Battambang,
le grenier du Cambodge, une région riche où le
riz est récolté trois à quatre fois par
an. Ce ne sont que rizières inondées à
perte de vue, peuplées ça et là de colonies
de petits canards. Sur la route, des tas de branchages indiquent
qu'il faut s'écarter du bas-côté, car les
paysans ont étalé leur riz sur de grandes toiles
posées sur le bord de la route. De place en place, des
batteuses en action recrachent les tiges du riz et la poussière.
La moisson a commencé dans cette province. Que d'eau,
de part et d'autre de cette longue nationale, que nous suivons
depuis ce matin ! A droite comme à gauche, l'eau est
partout, dans les fossés, dans les champs, sous les maisons.
Parfois, sur quelques dizaines de mètres, le sol a commencé
de sécher, mais toujours ponctué ici ou là,
d'une flaque ou d'une mare. Les zébus pataugent, les
arbres ont les pieds trempés et tout est infiniment vert.
Une demi-heure après être arrivés
à l'hôtel, nous repartons à pied, visiter
Battambang, deuxième ville du pays, avec notre nouveau
guide. Vadut qui nous a accompagnés jusque là,
est maintenant parti. Le ciel est gris, nous apprenons qu'une
tempête sévit sur le Vietnam en ce moment. La mer
a emporté treize personnes en envahissant un village
et il y pleut à torrent.
Nous traversons le marché qui regorge de victuailles,
légumes, fruits (longanis, fruits du dragon, du jaquier
et autres inconnus) mais aussi de nombreuses rôtisseries
ambulantes de poulets, saucisses et autres charcuteries. Dans
les quartiers populaires du Cambodge, on peut manger dehors
pour une somme modique. Les rues sont envahies de petites motos
(Suzuki, Honda..), c'est impressionnant. Mais peu de voitures
!
La mort :
Un drapeau blanc sur une maison signifie que quelqu'un
y est mort. Si c'est un riche, il est placé dans
un cercueil pendant deux ou trois jours, le temps que
sa famille arrive, puis il est incinéré,
sur un bûcher et ses cendres sont conservées
dans un stupa.
Si c'est un pauvre, il est enterré pendant deux
ou trois ans, le temps que sa famille réunisse
l'argent nécessaire à la crémation,
car c'est très cher, et ensuite seulement il sera
incinéré. |
De retour à l'hôtel, nous avons
deux heures de libre pour nous rafraîchir, bouquiner un
peu avant de ressortir en ville, avec la voiture. Repas insolite...
Après les nems, je goûte un plat d'ici, une sorte
de bouillon un peu épicé dans lequel baignent
crevettes, champignons et tomates, en compagnie de divers légumes
inconnus, certains au goût absolument nouveau pour moi.
Ni bon, ni mauvais... et du riz bien sûr ! Pour finir,
une assiette contenant des morceaux de fruits (dragon, mangue,
ananas, banane, longanis)...
Ce soir à l'hôtel, il y a une bouilloire et des
sachets de cappuccino... Sympa !
Jeudi 20
Debout à 6 h 30, comme chaque jour depuis le début
du voyage ! Nous arrivons au temple de Phnom Ek. Ce temple est
en ruines, car dans la province de Battambang, il n'y avait
pas de gardien quand les temples ont été découverts
et les gens ont vendu les sculptures aux Thaïlandais pour
avoir des dollars.
Comme beaucoup d'autres, il est inachevé.
En effet, chaque roi commençait un temple pendant son
règne (20 à 25 ans) mais son successeur ne le
terminait pas, il en construisait un nouveau.
On y voit des motifs d'éléphants tricéphales
et des serpents tirés aux deux extrémités,
par les bons et les mauvais génies.
Superstition :
Le serpent est représenté dans tous les
temples. Il est doté de 3, 5, 7 ou 9 têtes,
toujours un nombre impair de têtes, car les nombres
pairs portent malheur. De même, les marches d'escaliers
et les tours sont en nombre impair.
Sur toutes les sculptures, les bons génies tirent
la queue du serpent, tandis que les mauvais tirent la
tête...
Les temples, les maisons, les hôpitaux sont tous
orientés vers l'est, là encore, question
de superstition.
La disposition des différentes façades des
temples n'est pas due au hasard. Vers l'est, on se tourne
vers Bouddha, vers l'ouest Vishnou, vers le sud Shiva,
vers le nord Brahma. |
A côté, se tient la pagode de
Phnom Ek, au toit décoré de queues de serpent
. Des jeunes gens en barque cueillent des fruits de lotus. Ils
nous font goûter, cela ressemble à une espèce
d'amande amère.
Après cette visite, nous repartons en
direction de Wat Slaket Pagoda. La route traverse des villages
aux maisons en bois sur pilotis. Scènes de vie rurale,
marchés, fruits, légumes, poissons, viande, ingrédients
à frire pour garnir des petits pains et les manger sur
le pouce dans la rue... Des enfants jouent avec une vieille
tong, des gens discutent, assis sous les pilotis, des marmites
fument au dessus des foyers. Passent des charrettes pleines
de fruits exotiques, des femmes portant deux seaux à
l'aide d'un balancier posé sur leurs épaules,
des chiens errants...
Nous voilà arrivés à la
fabrique de poissons fermentés. Pêchés dans
le Tonle Sap ("tonle" c'est le lac, "sap"
c'est l'eau douce), ils sont salés, hachés en
bouillie et mis en fûts pour fermenter quatre à
cinq mois. Cela a l'odeur et l'aspect de poisson pourri. Les
Cambodgiens mangent 36 kilos de poissons par an et par personne,
dont la moitié fermentés. On n'ose plus respirer,
à peine regarder... Heureusement il n'est que 10 heures,
car après ça, on a un peu l'appétit coupé.
Un homme sale la montagne de poissons posés par terre
et les rassemble avec les pieds. Les femmes assises dans les
écoulements de jus de poisson, les réduisent en
miettes avec deux hachettes. La bouillie prête repose
dans des fûts, sous des bâches tenues par des cailloux.
Des crevettes sont apprêtées de la même façon.
Berk ! A voir pour la curiosité, mais pas ragoûtant
du tout ! Pas question que je mange du poisson dans ce pays
!
Nous visitons ensuite la plus ancienne pagode de Battambang,
Wat Slaket Pagoda, dédiée au culte de Bouddha.
De nombreux jeunes bonzes y habitent, mais entre 14 et 18 ans,
ils ont le droit de sortir.
Les bonzesses :
Les jeunes bonzesses n'ont pas la tête rasée.
Elles sont habillées en blanc et se retirent souvent
dans un monastère à cause d'une peine de
coeur.
Après 18 ans, elles se divisent en deux catégories.
Celles qui sont vêtues de blanc, avec la tête
rasée ne sortent jamais. Les autres portent une
jupe noire et un haut blanc, elles aussi ont la tête
rasée, mais elles vivent au monastère pendant
quinze jours, puis retournent vivre dans leur famille,
les quinze autres jours. |
A peu de distance de là, nous entrons
dans un petit musée dont beaucoup de statues ont perdu
leurs têtes, vendues par les locaux avant d'être
placées dans ce musée.
11 heures, c'est la sortie des écoles. Nous dépassons
sur plusieurs kilomètres un long défilé
de vélos, des enfants bleus et blancs par centaines,
pédalent sur le chemin de terre rouge. Plus loin, ce
sont des petits, une ribambelle d'enfants à pied qui
marchent en colonne sur le bord du chemin.
Phnom Banon :
Pour construire ce temple de montagne, le roi a fait tailler
la colline à son sommet... 358 marches abruptes et courtes...
Une jolie escalade, et tout en haut, le temple à cinq
tours, assez bien conservé, hormis les têtes des
statues volées. Deux jeunes femmes nous accompagnent
en nous éventant tout au long de la montée, puis
de la descente. A mi-chemin, nous nous asseyons un moment, et
voilà qu'elles se mettent à me masser les jambes,
les genoux, les épaules. Inattendu ! C'est bien la première
fois que nous voyons ça. En tout cas, ça repose
et permet de repartir d'un bon pied.
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