Mercredi 1 novembre
Le ciel est gris, il fait très lourd. Depuis hier, nous
avons quitté l'altiplano, et dans les basses terres,
la chaleur et l'humidité pèsent. Nous partons
au Rio Dulce au son de la marimba. Gunde nous a mis un CD de
musique guatémaltèque. Le soleil se lève.
Dans cette région, nous voyons beaucoup de petites maisons
en pleine nature Ce sont celles des ex-guérilleros qui
ont été installés là, après
l'armistice.
Partout au Guatemala, devant les
banques et magasins, stationnent des gardes armés.
Ils sont fournis par une agence de gardiennage autorisée,
mais ne font pas partie de la police ni de l'armée.
C'est assez étonnant de voir ces hommes en armes,
même devant certains restaurants, ou dans les galeries
marchandes. |
Nous avons maintenant de la musique française
(Aznavour, Nougaro), puis de la poésie de chez nous,
et pour finir, voilà que Gunde nous chante la "Madelon"
!!!
Joli paysage de montagnes vallonnées et verdoyantes !
De chaque côté, se trouvent des maisons en bois
avec des toits en feuilles de palmes. On devine l'intérieur,
succinct, comme au Mexique. La région est pauvre et éloignée
de tout. Après quelques gouttes de pluie, le soleil revient.
Sur la route, nous doublons à plusieurs reprises des
camions en panne. Ils balisent la route avec de grandes branches
coupées.
C'est la Toussaint. Dans les cimetières colorés,
comme au Mexique, les Mayas viennent manger le plat typique
de ce jour, la "fiambre", mélange de diverses
viandes, saucisses et légumes, ainsi que de la confiture
de citrouille. Ils laissent une assiette et un verre de vin
pour le mort. Les ivrognes qui passent par là après,
viennent boire le vin, et la famille est contente parce que
le mort (qui est dans l'inframonde) a bu !
Nous atteignons la ville de Rio Dulce située entre le
fleuve du même nom et le lac Izabal. Ce lac est le plus
grand du Guatemala, le second étant Peten Itza, et le
troisième Atitlan. Nous prenons le bateau pour visiter
le château San Felipe, sis au milieu d'un parc, verdure,
fleurs et arbres, sur une pointe qui marque la séparation
entre le lac et le fleuve. Cet édifice servit d'abord
à la défense contre les pirates anglais, belges,
portugais, puis fut une prison et redevint enfin un fort de
défense avant d'être abandonné et classé
monument national. Ensuite, nous allons jusqu'au restaurant...
déjeuner en terrasse au-dessus de l'eau, au milieu des
fleurs, et de la verdure. Puis, nous reprenons le bateau, avec
les valises cette fois, pour aller à Livingstone, le
seul accès possible étant le fleuve, car il n'y
a pas de route. Nous voilà donc partis sur une grande
barque couverte rien que pour nous. Nous approchons d'un îlot
au milieu du Rio Dulce, il est recouvert de cormorans noirs
et de quelques oiseaux blancs, comme au Sénégal.
Près de l'île, tournent des pirogues taillés
dans des troncs. Plus loin, nous longeons un hôtel dont
les bungalows sur pilotis, ont les pieds dans l'eau, puis la
"Casa Guatemala" qui a été construite
pour abriter les orphelins de guerre. Soudain une copieuse averse
nous tombe dessus, malgré le toit couvert; nous enfilons
en vitesse les k-ways, sortons les parapluies, emballons les
valises en un tour de main dans les grands sacs -poubelles que
nous emmenons toujours depuis la Tunisie (nous avions retrouvé
nos valises pleines de sable), mais nous serons quand même
mouillés. Heureusement, tout de suite après, il
fait chaud. Nous entrons sous la mangrove, pour atteindre le
petit lac caché, merveille de verdure et de silence.
Une espèce de rivière court sous la mangrove,
nous sommes enfermés sous la végétation.
Nous apercevons une baraque seule, perdue au milieu de l'eau,
et quelques pirogues dans lesquelles caquettent des poules.
Nous reprenons le cours du Rio Dulce et continuons de voir des
baraques sur pilotis dans lesquelles vivent des Ketchis échappés
de la guerre du nord du pays (Coban) et restés là
depuis. Chiens, poules et pirogues entourent ces habitations.
Arrêt-minute aux eaux chaudes soufrées, qui sont
dues à la faille des Caraïbes...
Quelle balade au fil de l'eau ! Le temps d'un après-midi,
nous sommes dans un autre monde. Les familles Ketchis vivent
littéralement dans le fleuve. On les voit se baigner,
laver le linge, laver le maïs, au ras de l'eau qui vient
lécher l'entrée des maisons quand elles ne sont
pas sur pilotis.
Nous visitons une communauté : Ak-Tinamit.
C'est une association qui a été créée
pour améliorer l’éducation, la santé
et le niveau de vie des Ketchis de la région. Les étudiants
sont formés, nourris et logés toute l’année.
Ils étudient la culture Ketchi et vont travailler quelques
semaines par an dans un restaurant de Livingstone. Sans cette
aide pécuniaire, les études seraient trop chères
pour les parents. Un effort particulier est fait pour convaincre
les familles de laisser leurs filles étudier. La première
année, il n'y avait que des garçons, maintenant,
il y a 75 filles et 110 garçons. Les filles sont célibataires,
et ne sont là que pour leurs études, elles ne
pensent pas à se marier pour le moment. La jeune Indienne
Ketchi qui nous a parlé, a 23 ans, elle est en 6ème
et dernière année ici. Après, elle sera
institutrice et à son tour, restera dans la région
pour convaincre les filles d'aller à l'école,
et d'être les égales des garçons, au lieu
de rester à la maison.
Arrivée à Livingstone ! Le temps de se changer,
car nous sommes passablement mouillés, et nous voilà
dans les rues de Livingstone avec Gunde. Nous allons manger
un "tapado", bouillon dans lequel nage un poisson
en compagnie de crevettes, seiches et bananes plantains.
Nous passons un bon moment à discuter tous les trois.
La ville est essentiellement peuplée de noirs Garifunas.
Ce sont des descendants d'esclaves croisés avec des Caribs
des îles (eux-même croisement de peuples des Antilles
et Arawaks) qui furent déportés par les Anglais
vers les îles du Honduras et d'Amérique centrale
en février 1797. Ils s'établirent par la suite
dans les villages de la côte, dont Livingstone, à
l'embouchure du Rio Dulce (1805). Leur intégration à
la société fut lente et difficile et pas toujours
bien réalisée dans certains endroits.
C'est étonnant de voir tous ces noirs vêtus de
longs tee-shirts et bermudas trop grands, et toutes ces familles
dans la rue et sur le trottoir, assis à les regarder.
Tandis que dans le reste du Guatemala, on ne voit que des Indiens
ou des Ladinos.
Notre hôtel donne sur la mer... une vue superbe, et un
balcon...
Jeudi 2
A 6 h 45, il pleut à seaux, on ne voit même pas
la mer.. A 7 heures, la baie se découvre... A 8 heures,
nous montons dans le bateau, le soleil perce enfin et la pluie
s'arrête... Nous emballons quand même les valises
dans une grande bâche bleue. Des pélicans ont passé
la nuit sous nos fenêtres. Sur la proue d'un bateau de
pêche, se dresse une sorte de héron blanc, on voit
aussi des cormorans-pêcheurs au long bec épais.
Bientôt, il "crachouille" de nouveau. Et nous
voilà (comme les valises) protégés par
de grandes bâches bleues qui nous emballent, nous et les
sacs restants. Bien abrités, nous profitons du paysage
qui a son charme aussi sous le crachin tiède. Par endroits,
l'eau chaude du fleuve fume.
A 10 heures nous débarquons et reprenons la voiture,
direction Quirigua. Une heure quinze plus tard, nous y sommes.
L'accès se fait entre d'immenses bananeraies. Comme partout
dans le monde, les régimes de bananes sont enfermés
dans de grands sacs bleus qui les protégent des insectes.
A notre droite, un long câble avance chargé de
régimes de bananes. Nous entrons dans la bananeraie,
d'autres régimes, énormes, sont suspendus et attendent
de passer dans d'immenses bacs, pour être lavés
et traités afin d'empêcher leur mûrissement
pendant le transport. Des cartons suspendus à des câbles
courent au-dessus des tapis, prêts à être
remplis par les femmes qui sont payées 15 Quetzals le
carton.
Quirigua : De grandes stèles d'une dizaine de
mètres représentent les hauts personnages de Quirigua
(dont le roi) au 8ème siècle. L'une d'elles est
plus ancienne.
De l'acropole, il ne reste pas grand chose. Parmi les zoomorphes
(gros blocs de grès sculptés en forme d'animaux
fabuleux), l'un d'eux, énorme, représente une
tortue avec le roi de Quirigua sculpté dans sa bouche.
Juste devant à même le sol, on voit un autel, imposante
pierre plate gravée. Ces stèles et zoomorphes
sont les plus originaux du monde maya.
Nous déjeunons à Longarone vers 14 heures avant
de prendre la route de Copan au Honduras.
Vers 16 heures, nous entrons au Honduras. il fait toujours aussi
chaud et humide depuis ce matin. L'hôtel, assez joli,
se situe à Copan, à 12 km de la frontière.
Après une petite balade dans la ville, nous dînons
dans un restaurant sympa avec Gunde.
Vendredi
Temps humide et chaud !
Copan : Une ribambelle d'aras nous attendent à
l'entrée. L'ara est le symbole du Honduras. Le site envahi
de terre et de végétation, a été
découvert en 1576. En 1890, les fouilles ont commencé.
Ici, seulement 30 % des monuments ont été découverts,
70 % restent encore à découvrir.
De 426 à 822, Copan a connu 16 rois. A la fin de l'année
822, elle était habitée par 30 000 habitants,
mais par manque de nourriture - disent les historiens - elle
fut abandonnée.
Sur l'acropole, se dresse un observatoire astronomique. A l'époque,
tous les monuments étaient peints en rouge (cochenille
écrasée, plantes et terres volcaniques), et le
sol était recouvert de stuc blanc. Devant l'observatoire
se dressent trois autels pour le sacrifice d'animaux (aras,
jaguars).
Actuellement, ne sont visibles que les temples des cinq derniers
rois. Les onze autres sont sous le sol, parce que chaque roi
a toujours construit au-dessus du précédent, sauf
les cinq derniers qui ont construit les uns à côté
des autres. Pour découvrir ces sites, des tunnels ont
été creusés. Tous les monuments que nous
avons sous les yeux datent donc de 650 à 822, ceux des
années 426 à 650 étant invisibles.
A 16 m sous le sol, se trouve le premier sol de stuc. Nous dominons
la nécropole, à la fois quartier résidentiel
et endroit pour enterrer les morts, car il n'y avait pas de
cimetière. Les morts reposaient au milieu des vivants,
pour leur donner la force.
Sur la place du soleil, le roi s'automutilait, avec des arêtes
de poisson ou des épines de jeune fromager (cet arbre
a des épines acérées jusqu'à l'âge
de 40 ans, après il les perd). Puis il brûlait
son sang et la fumée montait au ciel. Ce rituel d'automutilation
avait lieu quatre fois par an, avant chaque changement de saison,
pour faire croire que c'était grâce au roi que
venaient les saisons, 3 mois de soleil, 3 mois de pluie, 3 mois
de vent pour faire tomber les feuilles. On pensait aussi que
cela permettait au soleil de réapparaître chaque
matin, en effet les hommes des basses classes, poussés
par les érudits à croire qu'un jaguar mangeait
le soleil la nuit, avaient toujours peur de ne pas le voir revenir
le lendemain.
Dans un coin, nous voyons une grosse tête, celle d'un
des quatre dieux qui, aux quatre points cardinaux, portaient
le monde (comme Atlas).
A quelques pas, est installé le jeu de pelote. Ce jeu
avait lieu par nécessité, pour influencer les
dieux. En effet, pour les atteindre, on devait brûler
du sang. Mais alors qu'au Mexique, la balle doit passer par
un anneau, ici, elle doit frapper une tête d'ara en pierre.
Le jeu de pelote :
Il s'agit d'un jeu avec une balle en caoutchouc de 3 à
4 kg. Seuls le coude, l'épaule, la hanche, le genou
peuvent toucher la balle, le but étant de frapper
une des têtes d'ara avec cette balle. La partie
s'arrête dès qu'un point est marqué.
Le capitaine des vainqueurs est alors sacrifié.
Les capitaines font toujours partie de l'élite,
les autres non.
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Sur la place centrale, derrière le
jeu de pelote, se dressent les stèles et les autels des
sacrifices en forme de tortue, symbole de longévité.
A Copan, les pierres sont travaillées avec plus de finesse
qu'ailleurs. Tikal est plus architectural et Copan plus artistique.
C'est le 13ème roi "Dix-huit lapins" qui a
fait bâtir ce site.
"L'escalier aux hiéroglyphes" est unique au
monde avec ses 64 marches comportant 2500 glyphes. Il raconte
350 ans d'histoire, les dates importantes, et la généalogie
des rois. Seuls 40 % ont été déchiffrés.
L'escalier qui s'était écroulé, a été
reconstruit - en désordre - par l'université de
Harvard. Actuellement, on travaille sur ordinateur pour déchiffrer
le reste et remettre les marches dans l'ordre. Mais il manque
le 13ème roi "Dix-huit lapins", emporté
par les universitaires d'Harvard. Comme ce sont les Américains
qui ont fouillé, ils se sont attribués 50 % des
découvertes. En 1980, cet escalier a été
classé patrimoine de l'Unesco.
A la sortie, nous rencontrons un groupe d'aras et d'agoutis,
sorte de gros rats qu'on peut manger au restaurant (un des mets
les plus chers). A la sortie, nous achetons une petite stèle
représentant le roi "Dix-huit lapins".
Déjeuner à Copan, puis départ (toujours
en musique : marimba) pour le Guatemala et la capitale. Sur
la route, nous rencontrons vaches, veaux et porcelets. Il y
a même un gros cochon noir qui se balade au milieu de
la chaussée. Nous traversons des hautes montagnes très
verdoyantes, au sommet desquels s'effilochent quelques nuages.
Le paysage est beau.
18 h 30 : Nous arrivons à Guatemala City, embouteillages
interminables comme les deux fois précédentes.
Samedi 4
Lever à 5 heures pour décoller à 9 h 30.
Les contrôles d'American Airlines sont toujours aussi
tatillons : chaussures, rayons x, fouille méticuleuse
des sacs...
Décollage à 9 h 50... Arrivée à
Dallas à 13 heures... Déjeuner dans l'aéroport,
puis re-décollage à 17 h 30...
2 heures du matin, il fait jour : "Mesdames et messieurs
nous arrivons à Roissy, dans 30 minutes, la température
extérieure est de 1°." Nous remettons nos montres
à l'heure, il est 9 heures. La France en notre absence
est passée à l'heure d'hiver.
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