VENDREDI 1 NOVEMBRE
A huit heures, au sortir de la case climatisée, comme
chaque jour, la moiteur chaude nous enveloppe. Cela rappelle
les matins aux Antilles, où on avait la même impression.
Mais c'était au mois d'août, et ici, je crois que
c'est encore plus chaud. Nous partons pour une longue route
vers Ndangane. En chemin, comme on est vendredi, nous voyons
des hommes qui se dirigent vers l'hôpital. Fatou explique
:
Les castes
Au Sénégal, on distingue les descendants
des nobles (sans argent) et les "castés"
(héritiers des castes de cordonniers forgerons,
bijoutiers, grios et qui possèdent l'argent même
s'ils sont de basse classe). Ce sont eux qui sont au gouvernement.
Les "grios" sont ceux qui racontent l'histoire
ancestrale du pays, lors des fêtes et mariages,
car en Afrique il n'y a pas d'histoire écrite ;
c'est pourquoi quand un vieillard meurt, on dit que c'est
une bibliothèque qui brûle.
Le mariage
Quand une fille veut se marier, elle doit demander l'autorisation
à son père qui peut la lui refuser et lui
demander alors de choisir entre sa famille et celui qu'elle
voudrait épouser, surtout s'ils ne sont pas de
la même caste.
Chez eux, il n'y a pas d'enfants hors mariage, c'est très
mal vu...Alors sans mariage, pas d'enfants !
Et on obéit à la décision du père !
Contracter un mariage entre castes différentes
ou entres nobles et "castés" est très
difficile. Si la fille se marie malgré le refus
de son père, elle est mal vue. Comme de toutes
façons, elle va habiter dans la famille de son
mari, ses parents refuseront de l'accompagner pour recommander
au mari de ne pas la battre, de bien la traiter et diverses
autres choses et celle-ci pourra être malheureuse,
d'autant que les ponts seront coupés avec sa famille
à elle. |
A chaque arrêt du car, les vendeurs
s'approchent pour vendre leurs bricoles et les enfants s'agglutinent
à la porte. Nous voilà bientôt à
Kaolak ! Comme partout et tous les jours, c'est le marché.
Au Sénégal, tout le monde vend ! Des tas de cacahuètes
immenses, sur les bas-côtés… Des gens portent
des plateaux de bananes, des sacs en plastique pleins d'eau
fraîche pour les vendre. On est dans le pays des arachides,
mais la récolte de l'an dernier n'est pas encore transformée
en huile, car la France (principal importateur) en achète
de moins en moins, au profit d'autres huiles. Par conséquent,
cette année le gouvernement n'a pas donné de semences
aux paysans, car l'état n'aurait pas acheté la
récolte.
La route, après Kaoloak n'est que nids
de poules. Il faut souvent rouler sur les bas-côtés
terreux pour éviter les énormes cuvettes sur la
chaussée.
Le deuil
Ce sont les veuves qui portent le deuil, de manière
différente suivant la religion. Chez les animistes,
le défunt est exposé sur un mirador et la
femme a la tête rasée pendant un an. Chez
les chrétiens de la campagne, (car en ville cela
commence à se perdre), la veuve sera vêtue
de noir durant un an. S'ils ont assez d'argent le mort
aura un cercueil. Le défunt musulman est
enseveli dans un linceul de sept mètres à
même la terre avec une pierre à la tête
et une aux pieds. Sa veuve, elle, va rester 4 mois et
10 jours sans sortir, car on pense qu'elle porte malheur
et il faudrait détourner son regard d'elle. Dans
la campagne, elle se remariera souvent avec son beau-frère,
pour que les enfants restent dans la famille, bien que
ce ne soit pas obligatoire. Pour elle, trouver un autre
mari avec tous ses enfants ne serait pas facile. De même,
un veuf peut se remarier avec sa belle-sœur
La polygamie
Le musulman a le droit de décider s'il sera monogame
ou polygame (jusqu'à quatre femmes), mais c'est
au moment du mariage qu'il doit en faire la déclaration.
Parfois, il promet à sa femme malgré la
déclaration de polygamie de lui être fidèle,et
après il fait ce qu'il veut.
Le divorce
Seul, l'homme peut exiger le divorce. La femme, si elle
le veut, doit demander à son mari de la répudier.
Par trois fois, il répète:"je te répudie".
Si le mariage est religieux (le seul à être
obligatoire ), c'est facile.
Mais la femme doit partir sans ses enfants qui restent
dans la famille du père. Si le mariage est civil,
alors les formalités sont les mêmes qu'en
France.
La circoncision
Les hommes des trois religions sont circoncis, les animistes
à 15 ans dans le bois sacré en même
temps qu'ils subissent des épreuves d'endurance,
et les musulmans avant l'âge de dix ans dans la
case de santé. Il reste encore 20% de filles excisées
malgré l'interdiction et la punition.Les cases
d'excision ont été brûlées,
mais quelques mères emmènent encore leurs
filles à la campagne pour les faire exciser en
cachette.
Le confort
En ville, les gens possèdent télévision
et réfrigérateur mais pas de fer à
repasser ni machine à laver, car l'électricité
coûte trop cher ! Ce sont des femmes de Casamance
qui passent laver le linge, une fois par semaine.
Beaucoup possèdent encore un fer à braises.
Une femme qui travaille en ville garde sa case à
la campagne chez ses parents et à Dakar, elle vit
dans sa famille (par exemple, chez un oncle marié
à une ou deux femmes et qui a souvent plusieurs
enfants). Elle ne pourrait habiter seule à cause
du "qu'en dira-t-on".
La voiture
Il n'y en a pas à la campagne. On utilise des charrettes,
ou le transport en commun qu'il faut parfois attendre
une demi-journée sans être même certain
qu'il passera. Alors, on rentre chez soi et on retourne
attendre le lendemain.
En ville, il y a beaucoup d'estafettes et de voitures
pour les transports en commun et environ 20% de la population
a une voiture d'occasion, qui représente un an
du salaire d'un ouvrier ! Mais la plupart ressemblent
à des tas de ferrailles et sont appelés
les "tant que ça roule".
On voit parfois des Européens venir jusqu'au Sénégal
pour y vendre leur voiture et acheter avec le prix de
la vente, un billet d'avion pour rentrer. |
Nous visitons un dernier village… (chrétien,
celui-là). Là, vivent trois frères et leurs
familles. Il faut entrer dans au moins une case par famille,
pour ne vexer personne. C'est la Toussaint, chaque femme prépare
un repas et tout sera mis en commun pour la fête. Là
encore, nous laissons des vêtements apportés par
Jennifer, du riz, et de l'aspirine pour une femme qui a mal
aux dents.
Sur le bord de la route, c'est le repas des vautours, des dizaines
de vautours royaux font un festin autour d'une minuscule carcasse
d'oiseau .
Midi : repas à l'hôtel Laguna et farniente au bord
de la lagune. Puis, visite de la maison de Léopold Senghor
à Joal, avant de faire le tour de Fadiouth, l'île
au cimetière et aux rues tout en coquillages.
Arrivée le soir, à l'hôtel à Ndangane,
petit port de pêche.
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