espagne - MAROC - 1999



Itinéraire

Du 16 au 19 juillet :
2000 km avec le bateau en remorque !

Du 20 au 22 juillet :
Mise à l'eau de Cap Sounion à Fuengirola et route le long de la côte espagnole en direction du Maroc.

Vendredi 23 juillet :
Levés aux aurores (8 h15 !!!), nous avons pris la mer avec 20 noeuds de vent, sur un bord. Plutôt sympa ! Cependant, peu à peu, la brise a forci jusqu'à 30 noeuds et bientôt, nous nous sommes retrouvés vent debout. La voile a pris un ris et en compagnie du petit foc, elle nous emmenait allègrement à 5 ou 6 noeuds vers Gibraltar... Mais voilà, à la pointe de l'Europe, extrémité de Gibraltar, nous avons rencontré des vents de 40 noeuds et une mer creusée. Prévoyants, nous avions tout affalé avant. On en a été quittes pour être secoués, mouillés, douchés...

Samedi 24 Juillet :
Hier, nous avons vu un marsouin et navigué dans une eau turbulente... Aujourd'hui, des dizaines et des dizaines de dauphins et une mer d'huile... Il y en avait partout, autour du bateau, sous la coque, devant l'étrave, sautant, plongeant, nageant, dos noir et ventre blanc, un vrai ballet !
Ceuta... Si tout va bien, demain nous louons une voiture et en route pour trois jours de balade vers Fès, Meknès, Chefchaouen... Ah ! j'oubliais : le roi du Maroc est mort hier...

Dimanche 25 juillet :
Ce matin, ça commence bien ! Après avoir attendu une heure que le loueur de voitures ouvre sa porte, nous apprenons que le véhicule retenu hier, n'est pas rentré... Et qu'aucun autre n'est disponible, ni ici, ni ailleurs à Ceuta. Il est 11 heures, nous sommes levés depuis 7 h 45, notre sac préparé depuis hier, les deux focs désarrimés et rentrés... Tout est prêt pour notre absence de trois jours , mais nous n'avons pas de voiture. Nous décidons d'aller à Tetouan : bus jusqu'à la frontière (Ceuta est une enclave espagnole dans le Maroc), puis taxi collectif délabré jusqu'à Tetouan. Mais le roi est mort... tout est fermé. Un marocain désoeuvré s'improvise comme guide et, de recherche en coup de fil, finit par nous trouver une agence de location qui, bien que semblant close à première vue, est cependant ouverte. On ne peut pas entrer par la porte du magasin, il faut emprunter un escalier obscur, un peu plus loin... Le loueur n'a pas le droit de travailler aujourd'hui, alors il n'ouvre pas, mais il fait ses petites affaires discrètement... 14 heures, nous avons une voiture. Passage de la frontière pour rentrer dans Ceuta... nous prenons notre sac, mangeons vite, il est 16 heures. Nouveau passage de la frontière, direction Fès. La voiture n'est pas terrible, les amortisseurs couinent à chaque virage, la portière arrière droite est bloquée, et le comble : le dossier du conducteur s'affaisse sans arrêt.
Nous découvrons le Maroc intérieur; la route est bosselée, creusée, tordue. Partout sur les bas-côtés, voire au milieu de la chaussée, des gens déambulent. Dans les champs, se promènent chameaux, ânes, chevaux, vaches, moutons, chèvres. Nous dépassons des familles entières qui marchent derrière deux ânes. Ceux-ci sont bâtés, (même dans les champs) et quand ils ne sont pas montés par des gens, ils portent paniers d'osier ou jarres d'eau. Certains sont attachés à une espèce de charreton à deux roues surmonté d'un tonneau que chevauchent gaillardemant gamins ou adultes. Les enfants, il y en a partout. Même s'il n'y en a pas quand tu t'arrêtes, deux minutes après ils sont là, surgis de nulle part; et les hommes aussi (surtout les jeunes) qui proposent sans arrêt leurs services, moyennant dirhams ou cigarettes. Des hommes dans les rues, il n'y a que ça... Très peu de femmes... Et encore, celles qui sortent sont bien "emmitouflées".
Peu avant Fès, après des collines verdoyantes, nous entrons dans un paysage lunaire. On dirait des dunes de sable, en réalité ce sont des bosses sur lesquelles subsistent les restes de la paille blonde coupée, et dans ce paysage tout en rondeur, soudain au milieu, éclate le bleu d'un lac, tandis que peu à peu vont défiler devant nous des terres teintées de rouge, jaune, ocre.
Arrivés à Fès à 21 heures, nous trouvons un hôtel, dans le genre vétuste, mais on n'est pas difficile. Pour manger, un seul resto... tout est fermé partout... le roi est mort ! Ce soir, le muezzin appelle à la prière par des chants musulmans. C'est toute une ambiance !

Lundi 26 juillet : 
 Fès el Bali... Fès l'ancienne... Fès le moyen-âge... Comment décrire ? Echoppes de toutes sortes... Artisanat d'un autre âge... Guidés par un habitant de la Médina, nous sommes rentrés partout... chez les riches (superbe demeure aux murs pavés de mosaïques avec fontaine à l'intérieur), chez les pauvres (une maison de dix chambres pour dix familles de dix personnes), chez les artisans, chez les travailleurs... Nous avons parcouru toutes les ruelles, vu le beau comme le laid, les ânes et les chevaux-taxis de la médina, porteurs d'eau, de peaux, de bois, de bouteilles de gaz, de farine, de sacs, de tout.. L'oued où l'on jette les ordures, la foule, les femmes voilées, cachées, les amis du guide, les échoppes où cousent en public 4 à 5 personnes de la même famille dans 4 m² (pas plus), la tannerie à l'odeur pestilentielle, l'atelier des métiers à tisser, des menuisiers, des ciseleurs sur métaux, du forgeron, le four du boulanger où chaque famille apporte à cuire le pain en forme de galette, pétri à la maison... Nous avons vu encore les fenêtres grillagées qui empêchent le passant de voir les visages des femmes, l'alarme sur les toits qui signale l'heure du dîner pendant le ramadan, et puis les mosaïques, les céramiques, les mosquées, les medersa, les enfants porteurs d'eau et ceux à qui on a dû apprendre comme première phrase :" Donne-moi un dirham !". On nous a permis d'entrer dans l'école coranique pour regarder (mais pas photographier) la vingtaine de bambins de 3 à 6 ans qui récitaient l'alphabet coranique. Dans chaque quartier a dit Idriss notre guide, il faut cinq choses : la fontaine, le four à pain, l'épicerie, les toilettes publiques et la mosquée.
Fès el Jedid... Fès la nouvelle... Le palais royal, les souks, les tissus, la foule compacte, les dattes, les figues, la semoule, les nouilles en sacs, la brocante, le plastique, les djellabahs, les gâteaux arabes... Nous avons marché cinq heures et encore 2 h 30 après une pause . Fatigués, les pieds !...

mardi 27 juillet :
Après le petit déjeuner pris sur le boulevard comme hier, nous partons vers Meknès... Jolie médina ! Ensuite en calèche, nous admirons les principaux monuments de la ville.
Et puis de nouveau la route ! Vers Chefchaouen maintenant ! La route, qui nous offre un véritable spectacle : ânes porteurs de jarres et de tonneaux, marocains à pied en pleine campagne, enfants sur le bord des routes... C'est d'abord une symphonie de jaune : meules de paille recouvertes de boue séchée, fermes basses et carrées au toit également recouvert de boue, et partout la paille blonde et odorante. Ensuite, nous traversons un paysage de verdure, planté de nombreux arbres : lauriers-roses, oliviers, bambous, sapins, palmiers, figuiers, et autres, avant d'atteindre Chefchaouen, petite ville à flanc de montagne toute de bleu et de blanc peinte, avec sa médina, sa kasbah et sa place entourée de restaurants. Nous dînons sous les arbres, à la fraîche et rejoignons l'hôtel "Bonsaï" devant lequel poussent deux beaux orangers...

Du 28 juillet au 4 août :
Nous reprenons le bateau pour continuer la croisière... Partout ce sont de petits ports de pêche. Aucun port de plaisance ! Rien n'est prévu pour le tourisme maritime par ici. Le phare de El jebbah est en panne (pratique, pour se repérer !), nous avons failli dépasser le port sans le voir après une longue journée de navigation... Tous les jours autour de nous, c'est le ballet des dauphins, qui nous accompagnent, jaillissant des eaux à un mètre de nous, à tribord, à babord, sous l'étrave, sous la coque, puis plus loin, puis tout près, encore plus près jusqu'à glisser en même temps que nous à quelques centimètres de notre flanc tribord. Quel spectacle !
Dauphin... dauphins... mer plate... pas de vent... Nous rasons les montagnes, les plages... Plages peu fréquentées, parce qu'isolées de la route... il n'y a pas de route en fait, seuls quelques marocains avec ânes et chevaux passent par là et s'installent sous des abris de toile faits de deux pieux et de deux pauvres bouts de chiffon .
Le soir, les couleurs du couchant peignent la roche en rose et l'eau et le ciel en une palette de teintes qui s'étirent du rose au bleu en passant par le violet.
Presqu'aussi souvent que les dauphins, nous rencontrons gendarmes et douaniers. Parfois, ils débarquent à quatre pour nous faire remplir les papiers ou fouiller sommairement le voilier (ils cherchent de la drogue), quelquefois, il en arrive un par la mer,en maillot de bain, quand nous sommes au mouillage, ou bien nous apercevons la brigade maritime armée de mitraillettes qui disparaît derrière les barbelés d'un bâtiment sur le port.
Dans la baie d'Al Hoceima, c'est une vedette de la gendarmerie royale qui nous aborde "que faites-vous là ? Vous aviez déclaré que vous alliez à Jebbah... ici zone sensible... drogue... etc"... Pourparlers, salamalecs... Bref, nous pouvons repartir, mais la prochaine fois, il faudra dire qu'on se balade dans la baie avant de rejoindre Jebbah. S'ils avaient su en plus, qu'à Jebbah nous n'y serions que trois jours plus tard !
Le bouquet ! Dans un superbe mouillage loin de tout, où nous nous croyions à l'abri du regard des douaniers, voilà qu'à 21 heures, tandis que nous plaisantons sur l'absence de surveillance par ici, surgit une barque, avec à bord, deux pêcheurs et deux uniformes : gendarmerie royale et marine. "Pas le droit d'être là ! zone sensible... drogue... pirates de la mer"... ça recommence... re-fouille du bateau... la deuxième ce jour-là, toujours aussi sommaire...
"Vous n'avez pas de radio à bord ? " Je lui montre le transistor, j'arrive à le faire rire.
"Pas de GPS ? Pas de VHF ?" Je dis non à tout, il est suffoqué ! Encore mieux ! de savoir que nous naviguons au compas, ils doivent nous prendre pour des arriérés, eux qui transportent encore leurs bidons d'eau à dos d'âne. " Naviguer au compas !!! Et comment feriez vous en cas de problème ?" On sort le radeau de sauvetage... L'ironie pointe... de notre côté du moins !
Le type est sidéré. Il nous dit d'aller dormir au large. Je lui explique que c'est impossible, nous n'avons pas assez de longueur d'ancre. Il a l'air étonné. Au bout d'un moment il repart flanqué de ses compagnons, il n'a pas compris pourquoi on dormait au mouillage plutôt qu'au port. Un chouette port de pêche très reposant avec des dizaines de chalutiers qui manoeuvraient, moteurs à fond à six heures du matin. Le pied !
Ah j'oubliais ! La raison invoquée par le gendarme pour nous éloigner de là, c'est que si nous ne partions pas, ça allait lui donner du travail, car il serait obligé de nous surveiller toute la nuit. Délirant, non ?
A part ça, dans les ports que nous fréquentons, nous sommes reconnus tout de suite et bien accueillis au milieu des caisses de poissons et de bouquets frais et appétissants. Normal, nous sommes le seul bateau de plaisance sur cette côte. Nous n'avons pas rencontré un voilier ou une vedette depuis notre arrivée... A part celles de la marine royale..  

Jeudi 5 août :   
Douze heures de mer, pour rejoindre Ceuta, étape-marathon s'il en fut, étape-fatigue, étape-la mer est une garce...
Après un pique-nique sur mer calme, c'est vers 14 heures, que commencèrent les réjouissances : vent de face, mer agitée, vagues de plein fouet, qui tapent, qui cognent, qui mouillent... 30 puis 35 noeuds de vent debout ! Douches d'embruns, puis douches de vagues, et douches de mer. C'est la mer toute entière qui veut entrer dans le bateau. Vent et remous redoublent de violence pour atteindre leur paroxysme au passage du Cap Ceuta. Les vagues sont énormes et déferlent tout autour de nous, couchant le bateau, le faisant se cabrer sur l'eau et retomber dans les creux avec des craquements sinistres, roulant le plat-bord dans la mer, et déferlant sur le pont, dans le cockpit, presqu'à l'intérieur. Gifles de pluie, averses de vagues, à plein baquets, ça dégouline de partout. Une vague plus puissante soulève le voilier par le côté droit sur l'avant et le plaque sur la mer, tout en explosant juste sur le plat-bord. Le déferlement d'eau s'écrase dans le cockpit.
Ce serait bien que ça s'arrête maintenant !
Ca s'arrête... dans le port de Ceuta... On est rentré, et le vent en a marre de souffler... Terminé... Plus rien !... Ceuta... grand rinçage à l'eau douce !...
Nous apprendrons le soir même, que le détroit de Gibraltar, tantôt, était l'endroit le plus venté de tout l'Atlantique nord ! Je confirme : on y était !!! Il y avait quand même force 8. Et comme on est passé très près de la pointe de Ceuta, dans des fonds de trois à quatre mètres d'eau, cela explique le chaudron de sorcière dans lequel on a navigué...

Vendredi 6 août :
Nous revoilà en route pour Tetouan, en taxi collectif, serrés comme des sardines dans une boîte. Tetouan est une ville qui a beaucoup de charme, ville moderne avec son palais royal, et ses artères commerçantes, vieille ville avec sa médina, son souk, ses échoppes, ses batteries de casseroles, habits, légumes, et poissons à l'odeur épouvantable, tripes grisailles étalées en plein soleil, gros tas de viande hachée que le vendeur surveille avec un plumeau afin d'en chasser les mouches qui n'attendent qu'une faute d'inattention de sa part pour venir pondre dessus... Bref, tout cela est assez peu ragoûtant...

Samedi 7 août :
Bus jusqu'à la frontière Ceuta-Maroc... Premier taxi collectif jusqu'à Tetouan... Second taxi collectif jusqu'à Oued Laou... Et la même chose au retour... Mais on a baigné réellement dans l'atmosphère du souk, dans la poussière de terre battue, dans les odeurs d'animaux, volailles, ânes, chèvres, moutons, chevaux, dans la foule bigarrée, femmes en costume rouge et chapeaux de paille, hommes en djellabahs et burnous, tous chaudement vêtus, alors que nous en short et bras nus, on crevait de chaud !
L'après-midi, les gens quittent le marché... Certains sont assis sur un talus avec une dizaine de paquets, parfois un meuble; ils attendent la voiture qui viendra les chercher... D'autres repartent à cheval ou à dos d'âne, ou encore tirant l'âne à la longe. Les animaux bâtés sont lourdement chargés de paniers usés jusqu'à la trame et remplis à ras bord. Ils ont passé la journée au marché... Beaucoup d'hommes au café où nous avons mangé (j'étais la seule femme !), et sur le marché, des hommes, des femmes, beaucoup plus de femmes qu'à la ville...
Drôle d'existence que celle de ces femmes arabes, soumises, voilées dans la rue, le plus souvent restant chez elles, parfois ne pouvant pas mettre le nez à la fenêtre qui a été grillagée par un mari jaloux. On en a même vu avec le visage entièrement masqué, ne laissant apparaître qu'une fente au niveau des yeux et pour certaines, des lunettes de soleil par dessus. Les plus jeunes semblent se libérer un peu de ces contraintes. Mais dans quel pourcentage ? Difficile à dire !

Dimanche 8 août :
Retour par le détroit de Gibraltar, à la voile avec un vent de 18 noeuds au début, et 30 à la fin. Il a fallu finir au moteur et abattre le génois, car plus on se rapprochait de Gibraltar, plus on se trouvait dans le lit du vent et on n'arrivait plus à étaler les forts courants du détroit. On faisait presque du sur-place. Enfin, on est arrivé !

Du 9 au 14 août :
Retour par l'Espagne avec une étape à Marbella, sortie de l'eau du bateau à Fuengirola, remontée vers la France et séjour de deux jours à Nimes avant de rentrer en Normandie...

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